lundi 16 août 2010

La rupture avec les philosophes (1)


Examinons d'abord les faits. Pendant près de 10 ans, Rousseau fréquente assidûment le groupe des futurs Encyclopédistes, mais aussi les principaux salons parisiens. Diderot, d'Alembert et Grimm forment le groupe des amis proches que Jean-Jacques voit quotidiennement, soit au Procope, soit au café de la Régence. Avant 1750, Jean-Jacques n'est rien, sinon l'un de ces nombreux parasites attachés à une grande maison parisienne (celle de Madame Dupin), où son emploi de secrétaire lui rapporte un millier de livres l'an. Ses tentatives artistiques se sont toutes soldées par des échecs, et dans certaines de ses lettres, il semble presque résigné à quitter cette ville qui ne lui a pas offert la reconnaissance dont il rêvait.
C'est après 1755 qu'il va progressivement rompre avec tous ses anciens amis. Même si certains indices auguraient déjà de cette rupture, c'est son installation à Montmorency et les événements de l'Ermitage (1756/1757) qui vont achever de la consommer. Dans "la Comédie des Masques", j'ai évidemment braqué les projecteurs sur cet épisode tant commenté par les exégètes.
Car la question reste d'actualité : quelles ont été les raisons véritables de cette brouille qui va liguer l'ensemble du groupe philosophique contre Rousseau ? Contentons-nous d'en rapporter quelques-unes, largement étayées par des essayistes comme Trousson ou Guillemin. Le retour à la religion, tout d'abord, que certains Encyclopédistes auraient perçu comme une véritable déclaration de guerre contre leur cause ; son éloignement de Paris ensuite, que d'aucuns imputaient à Thérèse, dont l'influence sur Rousseau semblait particulièrement néfaste ; son personnage de cynique enfin, perçu par beaucoup comme une pose destinée à le valoriser au détriment de ses anciens amis.
Achevons avec les faits : au cours des années 1760, l'opinion publique parisienne est convaincue que Rousseau est devenu fou, atteint d'un délire de persécution qui lui fait imaginer un complot destiné à lui nuire. Il finira sa vie dans l'anonymat le plus total, complètement discrédité, et ce n'est qu'au moment de la Révolution qu'il revient au devant de la scène par le biais de ses ouvrages. Aujourd'hui encore, Rousseau est généralement perçu comme un paranoïaque plus ou moins pervers, connu avant tout pour avoir abandonné ses cinq enfants à l'assistance.
Si j'ai entrepris cette trilogie, c'est évidemment parce que je ne partage pas ces vérités couramment admises. Mais il me faudra y revenir...

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