vendredi 3 mai 2013

Marion Sigaut : sorcellerie et Inquisition





Reconnaissons à Marion Sigaut cette immense qualité : dès lors qu'on a séparé le bon grain de l'ivraie, ses interventions ont le mérite de battre en brèche les pseudo-vérités communément admises dans l'opinion (cf son propos très pertinent sur Voltaire) et de rééquilibrer le balancier d'une horloge historique déréglée par les on-dit et autres boniments.
Nous nous joignons donc à elle pour confirmer que l'Eglise n'est en rien coupable de la plupart des crimes et autres génocides dont on l'accuse habituellement, et que, concernant les procès en sorcellerie, elle n'est pas à l'initiative des premières campagnes inquisitoires entreprises par des magistrats laïcs au Moyen-Age.



Pour autant, et c'est là que le bât blesse, lorsqu'elle prétend (en insistant) que l'Eglise et l'Inquisition ne poursuivaient que les hérétiques, Marion Sigaut omet de rappeler les nombreuses bulles papales consacrées à la question de la sorcellerie. Prenons la plus célèbre d'entre elles, celle d’Innocent VIII (summis desiderantes affectibus en 1484) dont voici quelques extraits   :"il est venu dernièrement à notre connaissance, non sans une grande tristesse pour notre coeur, que dans quelques partie de l’allemagne supérieure... plusieurs personnes de l’un et l’autre sexes, oubliant leur salut et déviant de la foi catholique, ont des accointances avec des démons incubes et succubes. De plus ces personnes, par leurs incantations, leurs charmes et leurs conjurations, et autres actes superstitieux également coupables, détruisent les foetus des femmes et animaux...ils empêchent les femmes d’engendrer et les hommes de concevoir..."La bulle s’achève par ces mots : "...empêcher les traces de l’hérétique et d’autres comme des maux, d’écarter leur infection à la ruine d’autres qui sont innocents, l’ardeur de la religion nous poussant particulièrement, pour que les provinces, les villes, les diocèses, les territoires, et les endroits susmentionnés dans les dites régions de l’Allemagne supérieure ne puissent être privés du travail de la recherche qui est leur dû, décrétons par ceci, en vertu de notre pouvoir." Promulguée pour combattre la sorcellerie en Allemagne, cette bulle va rapidement relancer la chasse aux sorcières en Europe occidentale.
Deux ans plus tard, le
malleus maleficarum (traité de démonologie écrit par deux dominicains nommés Jacques Sprenger et Henri Institoris) donnera le mode d’emploi pour reconnaître les sorcières, instruire les procès et procéder à leur éradication. Bien évidemment, les deux inquisiteurs dominicains se targuent dès les premières pages de l'appui de Rome pour appuyer leur propos... Armés d'un tel bréviaire et encouragés par l'autorité papale, les magistrats laïcs pouvaient effectivement se livrer aux horreurs décrites par Marion Sigaut lors de la conférence... Le tout, avec la bénédiction de l'Eglise...

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