mercredi 6 avril 2016

Disparition d'enfants à Paris en 1750 (5)

Avocat au Parlement de Paris, Edmond Jean-François Barbier nous offre avec sa Chronique de la Régence et du règne de Louis XV un témoignage extrêmement précieux et détaillé sur la période 1718-1762.Dans le passage qui suit, il évoque l'affaire bien connue des disparitions d'enfants à Paris en 1750.


                            (pour lire l'article précédent)
 


Je sais de bonne source qu’il y a près de trois mois, sur le Mont Parnasse, derrière les Chartreux, où vont se promener nuit et jour les écoliers, on en a pris trois ou quatre, entre autres le fils d’un bourrelier ; que les père et mère s’étant donné bien du mouvement, un exempt leur fit rendre, en donnant vingt écus. Il y a apparence que cela dure depuis longtemps, et qu’on a enlevé beaucoup d’enfants, indépendamment de ce qu’on en a pris dans les hôpitaux. Il y en a, dit-on, beaucoup à cet âge qui ont la gale et qu’on ne peut emmener. On m’a dit avoir été reçu une lettre de Marseille, par un particulier, il y a plus de quinze jours, à qui un homme mande : "Mandez-moi si l’on sait à Paris ce que l’on veut faire de tous les enfants qui arrivent. On en a amené plus de deux mille et l’on en attend encore."
On dit que le Roi n’a été informé de toutes ces émotions populaires que samedi 23 (ndlr : mai), jour de tapage de la rue Saint-Honoré, parce qu’il a été question de faire marcher le régiment des gardes, et que cela pouvait devenir grave. Comment aura-t-il pris ce silence? Des gens l’auront indisposé contre le pays, mais d'autres aussi lui auront parlé franchement contre la police.
Il s’agit donc à présent de voir ce que deviendra l’exécution de l’arrêt du Parlement, si on informera sérieusement, et si on punira pour l’exemple ; d’autant qu’il y a eu trois hommes arrêtés.
Il est bien vrai que, si dès la première émotion du samedi 16, un premier président s’était montré au peuple, qu’il eût pris connaissance des faits, qu’il eût promis de rendre justice , fait arrêter et emprisonner les gens qui accusaient d’enlèvements , cela aurait tout apaisé. Mais un premier président n’ose pas faire de pareilles démarches dans ces temps-ci.
Il y a eu aussi, dit-on, des émotions pour pareilles causes dans cette huitaine, à Vincennes, à Bagnolet, à Vitry, et à Saint-Cloud, où les archers ou espions ont été très maltraités. (ndlr : j'en ai trouvé trace, fin mai 1750, à Tours. Le 29 mai, deux hommes y ont été molestés par la foule pour les mêmes raisons.)
On a arrêté beaucoup de bourgeois, du peuple, qui ont excité le tumulte, et en même temps plusieurs exempts, mouches ou gens de police. Mais on commence à dire que les exempts avaient des ordres pour arrêter des enfants vagabonds. Ils les ont tous montrés par écrit, mais non pour en prendre et les vendre pour de l’argent. Comment condamnera-t-on ces exempts ? Comment, d’un autre côté, condamner les séditieux sur l’enlèvement d’enfants ? Il est curieux de voir l’effet de ces informations ; je pense assez que cela n’aura pas grande suite.


JUIN
On devait brûler, ces jours-ci, deux ouvriers que le guet a trouvés dans les rues, le soir, en flagrant délit, pour fait de sodomie (sur l'affaire et certaines théories fumeuses la concernant, voir ici) . Le fait est fort singulier, mais on dit qu’on a commué la peine par prudence et qu’ils seront apparemment enfermés pour le reste de leur vie à Bicêtre.
la plaque en l'honneur des deux suppliciés
(à suivre ici)
 



 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Pour commenter cet article...