Si Madame de Pompadour suscita bien des haines, celle que lui vouait le Marquis d'Argenson fut particulièrement mordante.
février 1747 — La famille royale commence à se conjurer contre Mme de
Pompadour : à la dernière chasse, cette dame était dans la calèche de M. et Mme
la Dauphine et Mesdames ; il était convenu entre eux de ne lui rien dire,
quelque chose qu’elle dit. Elle enrageait, elle rugissait.
Ainsi
voilà l’orage qui commence à grossir ; on prendra le roi par les incommodités
qu’il y a à posséder une maîtresse de si bas lieu, et peu à peu à le conduire
au dégoût par la honte... (ndlr : Tout le mépris de classe du marquis d'Argenson apparaît dans cette dernière remarque)
la Reine et le Dauphin vers 1730 |
mars 1747. — M. le Dauphin augmente en grossièreté, en
apathie et en haine contre la maîtresse du roi son père ; dès qu’il la voit,
l’humeur redouble. La reine attise cette disposition.
(La reine, le Dauphin, et Mesdames étaient fort attachées au parti dévot)
avril 1747 — On assure de toutes parts que la
marquise de Pompadour ne tardera pas à être renvoyée, et toutes les mêmes
apparences y sont qu’à ce qui précéda le renvoi de Mme de Mailly (l'une des cinq soeurs de Nesle. Quatre d'entre elles furent les maîtresses du roi). Il y a
plusieurs mois que le roi n’y touche plus ; elle tombe dans l’abattement,
maigrit et change à vue d’œil ; enfin elle devient odieuse. Elle profite du
temps qui lui reste pour tirer toutes les grâces qu’elle peut pour elle et pour
sa famille et amis, et l’on voit sur cela des choses fort indécentes.
mai 1747 : On m’a assuré à Versailles que le roi
prenait grand dégoût de Mme de Pompadour, que son sein, sa fraîcheur, sa
poitrine demandaient qu’elle s'abstint de faire l’amour et d'y prétendre,
qu’elle devenait insupportable au roi...
décembre 1747 — On dit qu’il est beaucoup question
d’un changement de maîtresse : le roi est las de la marquise de Pompadour, qui
devient maigre par le mauvais état de sa poitrine...
janvier 1748 - Votre Majesté ne peut s’en tenir aux embrassements
de la reine ; qu’elle change de maîtresse, qu’elle en prenne plus jolie et plus
saine que la marquise de Pompadour et qu’elle en mène une vie plus
convenable ; prenez une fille libre et non une femme mariée, que cette sultane
se tienne dans une jolie maison de Versailles et qu’elle vienne les soirs
seulement souper avec Votre Majesté dans les cabinets, ou après le souper les
jours de grand concert
février 1748 - Un courtisan
des cabinets m'a dit que Mme de Pompadour était plus maîtresse que jamais de
toute autorité, et que si, du temps du cardinal de Fleury, il y avait eu
quelques moyens de faire passer au roi des mémoires et avis, aujourd'hui, tous
étaient absolument anéantis, parce qu'elle était maîtresse de tous les valets
quelconques, que tous tremblaient devant elle ou étaient gagnés
(Le ton du mémorialiste semble changé et il n'est plus question, désormais, du renvoi de la Pompadour. Au contraire, 1748 marque l'entrée de la marquise sur le terrain politique, d'où la comparaison avec Fleury)
février 1748 : La marquise de
Pompadour a tenu ce discours imprudent, qu'il fallait que la guerre durât (la guerre de succession d'Autriche) pour
sa propre conservation dans ce qu'elle appelle sa place ; que, si la paix se
faisait, elle ne tiendrait pas un an en place, qu'il fallait ce temps de la
campagne pour aiguillonner le goût du roi pour elle ; que, pendant l'hiver, elle
s'épuisait en amusements pour cette Majesté ennuyée (qu'elle aime si peu), que
le roi bâillait à tout, concerts, soupers, comédies,
ballets, etc., qu'elle ne savait bientôt plus qu'y faire, tant elle était
ennuyée elle-même; que, si le roi la quittait, une petite dévotion le saisirait
et qu'il prendrait peut-être quelque autre maîtresse pour s'ennuyer encore
davantage, mais qu'elle se vengerait, etc., car elle est méchante. Le
changement qu'elle a fait dans les bâtiments du roi, en chassant de Cotte (l’architecte), a été pour mettre par
cascade un autre homme au contrôle des dehors de Versailles, de sorte qu'elle
dispose de toutes les entrées et issues des appartements. Ainsi elle est la
maîtresse des détours du sérail comme des valets qui le gardent; on prétend que
par là elle fait entrer des favoris qui satisfont ses passions mal satisfaites
par le maître.
(à suivre ici)
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