Emboîtons le pas de Marion Sigaut et penchons-nous sur les événements survenus en ce mois de mai 1750.
Comme nous l'avons expliqué précédemment, il semblerait que le Lieutenant Général Berryer ait très librement interprété l'ordonnance royale du mois de novembre 1749, en prenant sur lui de faire arrêter tous les "filoux ... jouant aux batonnets" et autres "libertins", en fait des enfants... (voir sa lettre de mars 1750).
Le comte d'Argenson, chargé du département de Paris, était-il au courant de ces abominations ? On peut présumer que oui.
Que les exempts enleveurs d'enfants aient profité de ces ordres pour rançonner les parents, cela ne fait guère de doute. En moins d'un mois (du 15 avril au 15 mai), l'exempt Sébastien Leblanc a procédé à l'arrestation de 46 adolescents ! Plus tard, lors d'interrogatoires, ce dernier aura pourtant l'affront de prétendre que "le public se trompe, qu'il n'était point question d'enlèvements d'enfants, qu'ils étaient chargés seulement d'arrêter les petits vagabonds et gens sans aveu qui jouent dans les carrefours et places publiques".
C'est le lendemain, donc le 16 mai, qu'une nouvelle émeute va avoir lieu, l'archer de robe courte Robert Fautrel échappant de peu au lynchage. Comme l'explique Marion Sigaut, la justice s'était montrée particulièrement clémente avec lui, ne lui infligeant qu'une quinzaine de jours d'emprisonnement, malgré les exactions commises.
En ce matin du 16 mai, entre la rue de la Masure et la rue de Nonnaindières, Fautrel va être poursuivi par une foule exaspérée de le revoir et prête à tout pour s'en débarrasser.
Voici comment Barbier rapporte l'incident :
Depuis huit jours, on dit que des exempts de la police
déguisés rôdent dans différents quartiers de Paris et enlèvent des enfants,
filles et garçons, depuis cinq ou six ans jusqu'à dix ans et plus, et les
mettent dans des carrosses de fiacre qu'ils ont tout prêts. Ce sont des petits
enfants d'artisans et autres qu'on laisse aller dans le voisinage, qu'on envoie
à l'église ou chercher quelque chose. Comme ces exempts sont en habits
bourgeois et qu'ils tournent dans différents quartiers, cela n'a pas fait
d'abord grand bruit. Mais, aujourd'hui samedi matin, 16 de ce mois, on a pris
un enfant dans le quartier de la rue de Fourcy et du port aux Veaux , rue des
Nonaindières. L'enfant qu'on jetait dans un fiacre a crié. Quelque commère est
survenue et a crié aussi; le peuple est sorti des boutiques et, dans Paris, en plein jour,
sur les dix ou onze heures du matin, l'assemblée devient bientôt considérable.
Cette sorte d'enlèvement, qui blesse la nature et le droit des gens, a
révolté le peuple avec raison.Comme on ne sait jamais au juste les choses qui se
passent, les uns disent qu'on voulait enlever l'enfant d'un artisan des bras de
sa mère qui le conduisait ; d'autres qu'on en avait déjà mis plusieurs dans le
fiacre, et que le peuple voulant les tirer du fiacre avec violence, il y en
aurait eu deux d'étouffés. Quoiqu'il en soit, le peuple, les gens du port, les
laquais se sont assemblés en fureur. Les exempts et archers ont voulu fuir,
quelques-uns sont entrés dans des maisons; on les a poursuivis, maltraités et
estropiés. Cette émeute est devenue plus générale par la poursuite des archers,
et elle s'est répandue dans tout le quartier Saint-Antoine, jusqu'à la
porte. Cela s'est ensuite dissipé.
(à suivre ici)
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