Comme l'explique fort justement Marion Sigaut, c'est dans l'après-midi du 22 mai que l'agitation populaire connaît un premier pic, notamment rue du Gros Chenet (tout près de la rue de Cléry donc, erreur minime qu'on ne peut imputer à Barbier ci-dessous) et rue de la Calandre, où les commissaires Desnoyers et Delafosse se retrouvent assiégés chez eux par une foule en colère.
Une hypothèse concernant les pièces manquantes : peut-être faudrait-il diversifier les recherches ? Consulter celles des commissaires du Châtelet mais également celles du Parlement criminel ? En effet, les p.v des commissaires n'étaient pas toujours envoyés au même endroit...
Quoi qu'il en soit, voyons ce que raconte Barbier de cette journée.
Vendredi, 22 de ce mois, il y a eu une émeute considérable dans quatre différents quartiers de Paris.
Le premier tapage du matin a été dans le cloître de Saint-Jean-de-Latran, mais sans grand fracas.
Le second, à la porte Saint-Denis, qui a été plus tumultueux ; il y a eu quelque archer maltraité. Cette émotion est venue jusque dans la rue de Cléry, où demeure le commissaire Desnoyer et où apparemment un de ces gens de la police s’était réfugié ; sa maison a été saccagée par le peuple à coups de pierre.
La troisième, à la place de la Croix-Rouge, faubourg Saint-Germain. On dit qu’on a voulu prendre le fils d’un cocher qui était à une porte ; deux hommes l’ont attiré et emmené, l’enfant a crié, le père a couru après avec des domestiques de la maison; ils ont appelé le peuple à leur secours, et ensuite la livrée qui y est venue. Un des archers s’est réfugié dans la boutique d’un gros rôtisseur qu’il connaissait; on ne sait même s’il ne demeurait pas dans la maison. On a voulu entrer pour le suivre ; un garçon rôtisseur s’est opposé et a pris une broche : cela a animé tellement le peuple, qui s’était amassé en grand nombre, qu’on a pillé et saccagé la maison du rôtisseur, depuis la cave jusqu’au grenier; on a jeté dans la rue toute la batterie de cuisine, la viande, sa vaisselle d argent, ses meubles ; on a enfoncé deux pièces de vin, on a cassé toutes les vitres. On dit qu’il y a eu deux hommes de tués dans les caves; le guet y est venu et n’a osé rien tenter pour faire cesser ce tumulte, qui a duré jusqu’à dix heures du soir ; le peuple arrêtait les carrosses qui passaient avec des flambeaux, pour en avoir et s’éclairer ; ils en ont pris même chez un épicier. On dit que ce rôtisseur perdra considérablement, d’autant plus que dans ces émeutes il se mêle quantité de voleurs qui sont charmés de l’occasion pour piller impunément, et qui sont même capables d’exciter l’émeute. On dit cependant qu’on a rapporté à ce rôtisseur quelques pièces de sa vaisselle qui avaient été jetées dans la rue.
Le même soir, on dit qu’on a voulu prendre exprès un écolier des Quatre-Nations, sur le quai des Morfondus, rue du Harlai ; les écoliers ont suivi et ont fait attrouper un peuple infini ; un des archers déguisés s’est sauvé dans la maison du commissaire Delafosse, rue de la Calandre, près le Palais. Le peuple a tendu les chaînes de cette petite rue pour empêcher apparemment le guet à cheval d’y entrer ; toutes les boutiques ont été fermées, ainsi que dans le faubourg Saint-Germain, et à la porte Saint-Denis, et le long de la rue et des environs, car c’est la première chose que fait le bourgeois ; tout le quartier du Palais était rempli d’un peuple innombrable. La maison du commissaire assiégée, on a cassé toutes les vitres du haut en bas; un guet à pied, qui était entré dans la maison, a tiré quelques coups de feu par les fenêtres, qui n’ont fait qu’animer; ils avaient préparé du bois devant la maison pour y mettre le feu ; cela a duré jusqu’à près de onze heures du soir. lls couraient pour enfoncer la porte d’un fourbisseur pour avoir des armes. Le guet à cheval, qui est survenu, a pourtant dissipé un peu ce tumulte, sans tirer et en agissant le plus prudemment pour les apaiser. ll y a eu quelques archers de tués, car ce jour-là, on en a porté deux à la morgue du Châtelet, où il y a eu, le jour et le lendemain, un peuple considérable pour les aller voir.
Le commissaire Delafosse avait été saigné le matin par précaution; il a été obligé de se sauver, sa femme et ses enfants, par dessus les toits (à l'aide d'une échelle, me semble-t-il !), aussi bien que la mouche de police. Plusieurs maisons à côté de la sienne ont été aussi endommagées par contre-coup. ll y a eu plusieurs personnes tuées ou blessées dans ce tumulte.
Le plus grand malheur, c’est que dans leur fureur ils ont pris des particuliers pour des exempts, qu’ils ont très maltraités, entre autres un ingénieur, qui était avec un bijoutier du Roi, et qui avait un habit d’ordonnance singulier, que je sais avoir été saigné pour la onzième fois ; mais je ne sais pas ce qui en est arrivé ; c’est dans la première émeute de la rue Saint-Antoine ou dans celle de la porte Saint-Denis.
Dans les autres rues de Paris, on était par pelotons aux portes et à chaque coin de rue, à ne parler que de ces malheurs.
Le premier tapage du matin a été dans le cloître de Saint-Jean-de-Latran, mais sans grand fracas.
Le second, à la porte Saint-Denis, qui a été plus tumultueux ; il y a eu quelque archer maltraité. Cette émotion est venue jusque dans la rue de Cléry, où demeure le commissaire Desnoyer et où apparemment un de ces gens de la police s’était réfugié ; sa maison a été saccagée par le peuple à coups de pierre.
La troisième, à la place de la Croix-Rouge, faubourg Saint-Germain. On dit qu’on a voulu prendre le fils d’un cocher qui était à une porte ; deux hommes l’ont attiré et emmené, l’enfant a crié, le père a couru après avec des domestiques de la maison; ils ont appelé le peuple à leur secours, et ensuite la livrée qui y est venue. Un des archers s’est réfugié dans la boutique d’un gros rôtisseur qu’il connaissait; on ne sait même s’il ne demeurait pas dans la maison. On a voulu entrer pour le suivre ; un garçon rôtisseur s’est opposé et a pris une broche : cela a animé tellement le peuple, qui s’était amassé en grand nombre, qu’on a pillé et saccagé la maison du rôtisseur, depuis la cave jusqu’au grenier; on a jeté dans la rue toute la batterie de cuisine, la viande, sa vaisselle d argent, ses meubles ; on a enfoncé deux pièces de vin, on a cassé toutes les vitres. On dit qu’il y a eu deux hommes de tués dans les caves; le guet y est venu et n’a osé rien tenter pour faire cesser ce tumulte, qui a duré jusqu’à dix heures du soir ; le peuple arrêtait les carrosses qui passaient avec des flambeaux, pour en avoir et s’éclairer ; ils en ont pris même chez un épicier. On dit que ce rôtisseur perdra considérablement, d’autant plus que dans ces émeutes il se mêle quantité de voleurs qui sont charmés de l’occasion pour piller impunément, et qui sont même capables d’exciter l’émeute. On dit cependant qu’on a rapporté à ce rôtisseur quelques pièces de sa vaisselle qui avaient été jetées dans la rue.
Le même soir, on dit qu’on a voulu prendre exprès un écolier des Quatre-Nations, sur le quai des Morfondus, rue du Harlai ; les écoliers ont suivi et ont fait attrouper un peuple infini ; un des archers déguisés s’est sauvé dans la maison du commissaire Delafosse, rue de la Calandre, près le Palais. Le peuple a tendu les chaînes de cette petite rue pour empêcher apparemment le guet à cheval d’y entrer ; toutes les boutiques ont été fermées, ainsi que dans le faubourg Saint-Germain, et à la porte Saint-Denis, et le long de la rue et des environs, car c’est la première chose que fait le bourgeois ; tout le quartier du Palais était rempli d’un peuple innombrable. La maison du commissaire assiégée, on a cassé toutes les vitres du haut en bas; un guet à pied, qui était entré dans la maison, a tiré quelques coups de feu par les fenêtres, qui n’ont fait qu’animer; ils avaient préparé du bois devant la maison pour y mettre le feu ; cela a duré jusqu’à près de onze heures du soir. lls couraient pour enfoncer la porte d’un fourbisseur pour avoir des armes. Le guet à cheval, qui est survenu, a pourtant dissipé un peu ce tumulte, sans tirer et en agissant le plus prudemment pour les apaiser. ll y a eu quelques archers de tués, car ce jour-là, on en a porté deux à la morgue du Châtelet, où il y a eu, le jour et le lendemain, un peuple considérable pour les aller voir.
Le commissaire Delafosse avait été saigné le matin par précaution; il a été obligé de se sauver, sa femme et ses enfants, par dessus les toits (à l'aide d'une échelle, me semble-t-il !), aussi bien que la mouche de police. Plusieurs maisons à côté de la sienne ont été aussi endommagées par contre-coup. ll y a eu plusieurs personnes tuées ou blessées dans ce tumulte.
Le plus grand malheur, c’est que dans leur fureur ils ont pris des particuliers pour des exempts, qu’ils ont très maltraités, entre autres un ingénieur, qui était avec un bijoutier du Roi, et qui avait un habit d’ordonnance singulier, que je sais avoir été saigné pour la onzième fois ; mais je ne sais pas ce qui en est arrivé ; c’est dans la première émeute de la rue Saint-Antoine ou dans celle de la porte Saint-Denis.
Dans les autres rues de Paris, on était par pelotons aux portes et à chaque coin de rue, à ne parler que de ces malheurs.
Le lendemain matin, 23 mai, le Lieutenant Berryer écrit au commissaire Louis-Pierre Régnard et lui ordonne :
"Il serait nécessaire, Monsieur, pour contribuer à calmer la populace et dissiper les inquiétudes qui quoyque mal fondées paraissent augmenter; que dans le cas où il serait conduit chez vous, soit par cette populace, soit par le Guet, quelqu'un que l'on accuserait ou que l'on soupçonnerait d'avoir voulu arrêter quelque enfant, de l'envoyer sur le champ, et sans le garder chez vous un seul instant, à la Conciergerie, coupable ou non, et cela à la vue de tout le peuple que l'on empêcherait même pas de l'y suivre, s'il en avait envie. Monsieur le Premier Président et Monsieur le Procureur Général approuvent que vous en voyez ainsi et ils désirent que vous leur en rendiez compte sur-le-champ, ainsi qu'à moi"
Mais cette concession vient trop tard. Et Berryer va vivre une bien mauvaise journée.
(à suivre ici)
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