mercredi 27 septembre 2017

L'Eglise et l'esclavage au XVIIIè siècle (3)


"Tu aimeras ton prochain comme toi-même", nous ordonne l'Evangile selon St Marc. Informé de ce commandement, un élève m'interroge sur l'attitude de l'Eglise face à la traite négrière pratiquée par la France et d'autres pays d'Europe au XVIIIè siècle."Les voies du Seigneur sont de tout évidence impénétrables!" suis-je obligé de lui répliquer, un peu honteux de ma pirouette, avant de lui proposer ce magnifique passage extrait de Dissertation sur la traite et le commerce des nègres (1764).
Ecrit par un théologien, Jean Bellon de Saint Quentin, ce petit ouvrage est un chef-d'oeuvre de cynisme chrétien. Réfutant les arguments des encyclopédistes, l'apologiste tente en effet de démontrer que l'esclavage ne contredit ni le droit naturel ni la loi Divine !
 
Voici la conclusion de cette dissertation.

 
"Traite des nègres", gravure XVIIIè
Conclusion :
Qu’il nous soit permis de terminer cette dissertation par l’importante réflexion que fait un des plus savants théologiens de notre siècle ; il en fait part à un ami dans une de ses lettres (…) Voici seulement ce que j’ai transcrit ici avec une singulière satisfaction.
Les nègres étant nécessaires à la culture de nos colonies, c’est pécher contre l’Etat et faire un très grand mal que d’en décrier le trafic comme contraire à la charité et à l’humanité, dès que ce trafic est innocent et légitime (ndlr : La preuve est établie que charité commence par soi-même !) . S’il s’y glisse des abus, il faut corriger ce qui est abusif et laisser subsister ce qui est bon. J’en dis autant de la manière dont on les traite en Amérique. En se conformant aux Ordonnances de nos rois et en usant de toute la bonté possible à l’égard des nègres, leurs maîtres n’auront rien à se reprocher.
Je suis extrêmement touché d’une raison qui me fait regarder comme un grand mal, le décrit qu’on fait de ce commerce. Le plus grand malheur qui puisse arriver à ces pauvres Africains serait la cessation de ce trafic. Ils n’auraient alors aucune ressource pour parvenir à la connaissance de la vraie religion, dont on les instruit à l’Amérique, où plusieurs se font chrétiens ; au lieu qu’en Afrique, ils sont totalement abandonnés, car je ne sache point qu’il y ait aucun missionnaire. Eh ! plût à Dieu que l’on achetât tous ces misérables nègres et qu’on en dépeuplât l’Afrique pour en peupler l’Amérique ; n’en dût-il résulter que le salut d’un seul élu, pour lequel Dieu ne fait pas difficulté quelquefois de bouleverser des royaumes entiers. On ne va pas y faire des esclaves, on les y trouve tels : en les achetant, on les fait passer d’une servitude barbare à une servitude humaine, d’autant plus avantageuse pour eux qu’elle leur devient un moyen de salut.

1794 : les prêtres de Laval montent sur l'échafaud

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