S'ils m'ont dissuadé de poursuivre le visionnage du reportage consacré aux "complotistes", ces quelques mots de Caroline Fourest m'inspirent le sujet de ce billet d'humeur.
"On peut douter de tout sauf des faits", tel est le propos liminaire de la journaliste, et Caroline Fourest de renchérir aussitôt : "Il faut respecter les faits". D'emblée, et de manière implicite, les deux journalistes présentent au public le visage rassurant du bien, de celui qui connait les faits, donc la vérité, et dont la fonction consiste à en informer le grand public.
En face d'elles, et la sémantique est en cela implacable, on découvre alors le camp du mal, accusé de "désinformer". Il s'agit de ceux qu'on nomme communément les "complotistes"(l'étiquette, peu ragoûtante, suffit de toute évidence à discréditer le produit...), réduits ici à adopter un "mode de pensée qui consiste à ne pas vouloir voir les faits."
Suivant en cela l'adage populaire, Caroline Fourest laisse entendre que les faits sont parlants, que voir l'événement suffit donc pour le comprendre. Et si par malheur, on n'y a pas assisté, le journaliste (ou l'historien) est là pour nous le rapporter, pour nous en informer, pour donner sens à ce que nous n'avons pas vu.
Si ce raisonnement m'ennuie, c'est que, pour ma part du moins, je n'ai jamais entendu les faits parler... Et que justement, il m'a toujours fallu attendre l'intervention de ces garants de la vérité que sont le journaliste, l'historien, ou encore l'enseignant pour les rendre parlants...
C'est ainsi qu'au cours de ma scolarité on m'a appris que la Révolution de 1789 avait été un vaste mouvement populaire contre un régime politique oppresseur et liberticide.
C'est ainsi que j'ai découvert que les Encyclopédistes avaient combattu pour le bien et contre le mal (pêle-mêle, et dans le désordre : contre l'esclavage, contre les inégalités, pour les libertés, et- pourquoi pas ?- pour la démocratie !)
C'est ainsi qu'on m'a rapporté un jour ce fameux mot de Voltaire :"je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu'à la mort pour que vous ayez le droit de le dire"
C'est ainsi que, très récemment, évoquant sa probable panthéonisation en 2013, Jacques Attali m'a appris à propos de Diderot qu'il "refusait les compromis" et qu'il "défiait les grands de son temps".
(voir à ce propos) (voir enfin)
(voir à ce propos) (voir enfin)
C'est ainsi également qu'on m'a raconté la campagne d'Egypte de Bonaparte, les succès qu'il y a connus, les vestiges (c'est bien là une preuve !!!) qu'il en a rapportés...
Arrêtons là cette fastidieuse énumération... Ne serait-ce que pour le XVIIIè siècle, il faudrait des pages et des pages pour faire l'inventaire de ces fausses vérités, répétées et entretenues de génération en génération, alors même qu'elles semblent jaillir des faits...
En somme, les seules questions qui comptent restent les suivantes : qui est donc cette personne qui prétend faire parler les faits ? Puis-je vraiment lui faire confiance pour m'informer (donc pour former mon jugement) ? N'est-elle pas partie prenante dans ce qu'elle prétend rapporter ?
Un mot encore avant de m'éclipser : au XVIIIè siècle, Voltaire fut sans doute l'un des premiers à faire état de ce qu'on appellera plus tard "l'opinion publique". Le premier, il comprit l'intérêt de former cette opinion, donc d'avoir pour soi des organes de presse prêts à diffuser ses vérités.
Lui aussi, Madame Fourest, les présentait comme des faits...
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