jeudi 12 décembre 2013

Des histrions historiens...

Les grands ont toujours eu un historiographe à leur botte.
Au XVIIIè siècle, Louis XV eut  recours à Voltaire.
Plus tard, Napoléon disposa de Las Cases.
Aujourd'hui, Alain Soral emploie Marion Sigaut à la réécriture de notre passé national...
Dans son essai Qu'est-ce que l'idéologie ? (1976) , le sociologue Jean Baechler écrivait : "l'idéologie tend à développer une histoire mythique, même si toute histoire n'est ni mythique, ni idéologique".
Si j'en crois mes sources auprès d'Egalité et Réconciliation, l'association d'Alain Soral, ce dernier a effectivement confié à Marion Sigaut la lourde tâche d'imaginer une histoire de France qui validerait ses analyses (souvent brillantes, d'ailleurs) du monde contemporain. Faut-il le rappeler, la plupart des idéologies inscrivent leur vision de l'histoire dans un triptyque paradis-chute-rédemption.
Ainsi, lorsque l'historien honnête proclame qu'"il n'y a pas de centre de gravité de l'histoire... qu'"il n'y a pas de sens de l'ensemble, il y a tout au plus des sens partiels", le nationaliste (pour en revenir à l'idéologie) prétend au contraire que "l'histoire est marquée par des étapes symboliques, chargées d'une haute signification pour l'être de la nation" (toujours selon Baechler). 
Si l'Ancien Régime incarne le "paradis" de Marion Sigaut, la Révolution en constitue très clairement la "chute". Intervention après intervention, l'historienne s'emploie aujourd'hui à mythifier l'avant 1789, rêvant à voix haute d'une "rédemption" prochaine de la nation française.

Le nez sur cette grille de lecture, Marion Sigaut ose tout.
C'est d'ailleurs à cela qu'on la reconnaît...
On avait déjà eu droit à la "pédophilie" de Louis XV (évidemment influencé par un entourage corrompu...), puis à "l'anti-humanisme" des Lumières, mais sa dernière sortie mérite qu'on s'y attarde.
Dans cette récente vidéo que vous pouvez découvrir ici, l'historienne s'exclame :
"Ils ont dit tout ce qu'ils voulaient, les Encyclopédistes" avant d'ajouter : "Le roi les a protégés, le roi les a financés..."
Etrange réécriture de l'histoire...

Marion Sigaut

En somme, lorsque Rousseau a dû fuir la France (en juin 1762) laissant son Emile brûler au pied du Palais de Justice, il faut y voir une marque de bienveillance de ce bon roi Louis...

Acte bienveillant encore que l'emprisonnement de Diderot à Vincennes (en juillet 1749)...

Et l'éloignement de Voltaire, persona non grata à Paris ou à Versailles pendant près de 28 ans, une autre preuve de la protection royale ...?

Que dire enfin de cette suppression des deux premiers volumes de l'Encyclopédie, décidée par le conseil du roi en 1752 ? Et de cette nouvelle suspension en janvier 1759 ? Des plaisanteries, peut-être...


Laissons là les exemples, et contentons-nous des plus illustres parmi eux.
Au fond, ce ne sont pas ces énormités assénées (en toute bonne foi ?) par Marion Sigaut qui interpellent l'amateur d'histoire, c'est surtout la présence d'un public prêt à les entendre comme on reçoit la bonne parole.
Etrange réécriture de l'histoire, qui, même lorsqu'elle s'avère intéressante, en gomme toutes les nuances, tous les détails, pour n'en conserver qu'une ébauche caricaturale limitée au blanc (le bien) et au noir (le mal).
Etrange époque que celle où la défiance à l'égard des élites devient telle qu'elle emporte tout sur son passage, même les historiens institutionnels les plus brillants, balayés dans la tourmente en raison de leur proximité avec le "pouvoir".
Triste époque que celle où la séduction du sophiste l'emporte sur la sagesse du savant...



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