Un
lecteur québecois m'a très récemment envoyé quelques textes de Marion
Sigaut, m'encourageant à les commenter. L'un d'eux, consacré à
l'attentat de Damiens sur la personne de Louis XV, a attiré mon
attention.
(...) Puis on fit lancer, par l’inévitable Le Paige et quelques autres, une violente campagne diffamatoire contre les jésuites. Rien ne leur fut épargné : après l’imputation habituelle d’avoir prôné le régicide, le reproche des relations particulières qu’ils avaient eues avec Damiens (c’est chez eux que François débuta dans le métier, avant d’entrer dans le monde parlementaire), ils furent bientôt mis en cause par un raisonnement imparable : les jésuites étaient tellement vicieux, que moins on trouverait trace de leur implication dans l’attentat, plus ce serait la preuve de leur culpabilité. Qui, à part eux, était à ce point capable de brouiller les pistes ? Application nouvelle de la paranoïa des procès en sorcellerie, qui fut efficace : des parents affolés retirèrent leurs garçons du collège Louis-le-Grand. Fin de l’acte trois.
N'en déplaise à ce monsieur, qui
prête à madame Sigaut la volonté de rétablir la vérité historique, j'ai
pour ma part relevé bon nombre d'inexactitudes et d'omissions (cf
passages soulignés et commentaire en bas de page) dans ce récit.
Intéressons-nous cette fois à la seconde partie de l'article.
Marion Sigaut |
(...) Puis on fit lancer, par l’inévitable Le Paige et quelques autres, une violente campagne diffamatoire contre les jésuites. Rien ne leur fut épargné : après l’imputation habituelle d’avoir prôné le régicide, le reproche des relations particulières qu’ils avaient eues avec Damiens (c’est chez eux que François débuta dans le métier, avant d’entrer dans le monde parlementaire), ils furent bientôt mis en cause par un raisonnement imparable : les jésuites étaient tellement vicieux, que moins on trouverait trace de leur implication dans l’attentat, plus ce serait la preuve de leur culpabilité. Qui, à part eux, était à ce point capable de brouiller les pistes ? Application nouvelle de la paranoïa des procès en sorcellerie, qui fut efficace : des parents affolés retirèrent leurs garçons du collège Louis-le-Grand. Fin de l’acte trois.
Les pires horreurs circulèrent sur Damiens. Pour commencer,
tout le monde le dit fou, et Voltaire le premier. Du fond de son domaine de
Ferney, le poète se répandit en calomnies contre le malheureux qui fut, bien
évidemment, accusé de fanatisme religieux. Tout le monde s’y mit, et chacun y
alla de son couplet pour trouver à l’attentat une motivation
politico-religieuse et les marques d’un complot ourdi par le camp d’en face,
molinistes contre jansénistes, partisans de l’archevêque contre défenseurs du
Parlement.
Absolument personne n’accepta d’envisager l’hypothèse que Damiens,
dont tous ceux qui l’approchèrent purent voir qu’il était sain d’esprit, ait pu
agir pour des raisons personnelles.
Enfin, le samedi 26 mars, ce qui restait du Parlement,
augmenté des princes et pairs, se réunit à la Grand’chambre pour le jugement :
acte quatre.
Ce que ces barbares en toge décidèrent ce jour-là dépasse
l’entendement. Après que Damiens, digne et encore beau malgré deux mois de
geôle, leur faisant face et les reconnaissant, eut répondu sans se démonter au
feu roulant des questions interronégatives qu’on lui assénait et lui
interdisait la moindre spontanéité, Messieurs et la fine fleur de la noblesse
et de la franc-maçonnerie à la mode votèrent les détails de son supplice. Pas
une voix ne s’éleva pour protester, et c’est à l’unanimité qu’il fut décidé
qu’un père de famille de quarante-deux ans, après avoir été soumis à une
impitoyable torture destinée à lui faire avouer des complices qu’on savait ne
pas exister, serait tenaillé, brûlé à petit feu, et démembré le plus lentement
possible.
Le roi tenta vainement d’obtenir qu’on l’étranglât pour lui
épargner un calvaire dont l’Histoire de France n’avait pas conservé le
souvenir, puisqu’on crut devoir en rajouter sur ce qu’on fit subir à Ravaillac.
Louis XV n’avait pas le pouvoir de lui épargner ça.
Au cours de la torture, qui lui fut appliquée le matin de
son supplice, des précautions particulières furent prises pour éviter qu’un
engourdissement ne vienne alléger une souffrance qu’on voulait à son comble.
Puis il fut conduit en Grève.
La place était noire de monde, mais qu’on ne s’imagine pas
que le peuple était là pour le plaisir : à part les amateurs qui avaient
chèrement payé leur place aux fenêtres ou sur les toits, personne n’était censé
rien y voir et la troupe tenait la foule à distance. Il fallut même
l’intervention de la force publique pour que les commis du bourreau réussissent
à se faire délivrer le souffre et le plomb dont ils avaient besoin pour
procéder : soutenus par la foule, les épiciers du quartier refusaient de leur
vendre la marchandise.
Incapable de procéder à une telle ignominie, le bourreau se
fit porter pâle, et celui qu’il avait soudoyé pour le faire à sa place fut
retrouvé ivre-mort sous l’échafaud.
On paya grassement quelques misérables qui acceptèrent, et
Messieurs, assis au pied de l’hôtel de ville, soutinrent sans broncher le
spectacle. Alors que les princes et pairs n’avaient pas eu le cœur de voir ce
que leur lâcheté avait permis, les magistrats instructeurs n’en perdirent pas
une miette, et refusèrent même, alors que François hurlait depuis plus de deux
heures et que la foule grondait, qu’on en finisse et qu’on l’achève.
On connaît quelques-uns des sauvages qui trouvèrent à leur
goût de suivre, comme au spectacle, le dépeçage vivant d’un bel homme nu. Il y
eut Casanova, qui se vanta d’avoir profité de la presse pour sodomiser une
dame, il y eut l’encyclopédiste La Condamine qui réussit à se frayer un chemin
jusqu’au bas de l’échafaud, le poète Robbé de Beauveset qui paya pour être au
premier rang…
Le supplice de Damiens, que les pervers amateurs d’atroce se
passent et se repassent comme le sommet du genre, fut l’œuvre exclusive de
Messieurs du Parlement. Quand on vint lui faire le compte-rendu de la journée,
le roi se trouva mal, et éconduisit une garce venue en minaudant se vanter
d’avoir tout vu jusqu’à la fin.
Le supplice de Damiens fut le triomphe des barbares. Ils
réussirent non seulement à s’offrir un spectacle que le roi en personne ne put
empêcher, mais obtinrent que, pour ses contemporains et la postérité, Damiens
soit considéré comme fou et irresponsable, et son nom associé à ce supplice.
Leur victoire fut surtout de réussir à cacher que le roi
Louis XV était pédophile, et que le fils du peuple Damiens avait une fille.
Cinq années de recherches acharnées dans les archives m’ont
permis de mettre à jour la personnalité et les motivations d’un homme de cœur
et de courage qui donna, un soir d’hiver, une leçon d’honneur à un roi dépravé.
François Damiens ne fut pas le « misérable de la lie du
peuple » que dénonça le fielleux Voltaire. Fils d’honnêtes paysans artésiens,
François fut certainement un être angoissé, un peu menteur, un peu
manipulateur. Mais il fut surtout l’époux amoureux d’une douce Elizabeth et le
papa d’une jolie Marie dont il était fou. Bon camarade, généreux, irrésistible,
il était le premier à rendre service, il respectait et aimait son vieux père,
gâtait quand il le pouvait ses neveux et nièces. Ses maîtres, auxquels il voua
jusqu’à la mort une loyauté sans faille, furent tous satisfaits de son service
précis et sérieux. Personne n’a à rougir de porter ce nom.
Il fut certainement l’être le plus calomnié de son temps, et
une chape de plomb générale s’abattit sur son histoire, afin de masquer les
sombres manœuvres de magistrats sadiques tenant d’une main ferme un réservoir
sans fond d’enfants perdus sans parents pour les défendre, et de l’autre un roi
tenu à leur merci par un perpétuel chantage à la révélation de ses mœurs inavouables.
On connaît l'hypothèse de Marion Sigaut concernant l'affaire : la fille de Damiens aurait fait l'objet d'un enlèvement, elle aurait ensuite échoué à l'Hôpital Général, elle aurait enfin été victime d'abus sexuels comme tant d'autres enfants de l'époque. Le roi aurait quant à lui été mêlé d'une manière ou d'une autre à ce trafic pédocriminel, ce qui expliquerait in fine l'attentat commis par Damiens... Ouf...
Pour appuyer cette thèse (vous aurez noté que le conditionnel est souvent de mise), Marion Sigaut avance deux arguments :
- Robert-François Damiens était un "homme de coeur et de courage", "époux amoureux d'une douce Elizabeth", "papa d'une jolie Marie dont il était fou", et "valet modèle". Avec un tel portrait, qui oserait encore croire que l'attentat ait été l'acte d'un déséquilibré ? Ou même celui d'un comploteur ? Non, ce brave homme a tout simplement voulu se venger, cela crève les yeux !
- De qui ? Mais d'un roi "pédophile" voyons ! De ce pédocriminel qu'était Louis XV ! De là à imaginer qu'il ait abusé de la petite Marie (avec la complicité des monstres jansénistes, évidemment), il n'y a qu'un pas à faire...
Et voilà ! La boucle est bouclée. Passez, muscade !
On passera assez rapidement sur cette accusation, totalement anachronique, qui présente le roi sous les traits d'un pervers attiré par les petites filles. Dans son ouvrage Louis XV intime, Comte Fleury dresse effectivement une liste assez stupéfiante des petites maîtresses du souverain en même temps qu'un portrait de Madame de Pompadour, la "surintendante des plaisirs du roi". Mais si la "putain" Marie-Louise Murphy (le mot est de d'Argenson) avait 15 ans lorsqu'elle entra dans son lit, d'autres comme la Pompadour ou la du Barry étaient âgées de plus de vingt ans lorsqu'elles devinrent ses maîtresses.
Lieu sinistre, le quartier du Parc-aux-cerfs vit défiler un nombre incalculable de jeunes femmes et d'autres, plus âgées, destinées à satisfaire l'appétit sexuel démesuré d'un roi libertin et débauché. Qu'elles aient été vierges ou non, ces "amours de passage" (le mot est cette fois de Comte Fleury) se devaient surtout d'être saines afin de prévenir tout risque de maladie. C'était la condition sine qua non pour obtenir ce bien triste sésame...
On s'attardera davantage sur le très surprenant portrait de Damiens que nous propose ici Marion Sigaut. En effet, les documents du procès contredisent point par point toutes les affirmations de la polémiste (mais ils sont trafiqués ! nous dirait-elle...)
Ainsi, Damiens n'a rien de ce "valet modèle" décrit ci-dessus. C'est au contraire l'instabilité qui qualifie le mieux ses premières années de service : après un an et demi chez les Jésuites, il quitte leur maison parce qu'on a voulu le "mettre à l'eau" (questions 44-45) ; puis onze mois chez le sieur Colabeau, avant de revenir chez les Jésuites où il reprend le "même poste" (question 48) ; il demeure un temps chez le comte de Bouville, mais en est "renvoyé" (question 54) ; il quitte ensuite un conseiller du Parlement pour des "vivacités" (question 62), le comte de Maridor parce qu'il "s'ennuyait du pays du Maine"(question 64) , Madame de Verneuil parce qu'il est "renvoyé" (question 72). On s'épargnera l'ennuyeuse liste de ces états de service fort peu honorables pour nous tourner vers cette journée du 5 juillet 1756, où la vie de Damiens bascule définitivement, avec le vol de deux cent quarante louis d'or (seulement "cent trente", plaide Damiens) auprès du négociant Michel. De juillet 1756 à janvier 1757, l'existence de ce "valet modèle" se résumera à une fuite dans le nord de la France pour échapper aux autorités. On notera au passage que cet être parfaitement équilibré, qui n'avait rien d'un "fou" ni d'un "irresponsable" (dixit madame Sigaut) tenta lors de son périple de mettre fin à ses jours en ingérant de l'arsenic (6ème interrogatoire, question 171).
Un mot enfin sur l'"époux amoureux" dont parle Marion Sigaut... On apprend au cours du 6è interrogatoire de Versailles qu'il a vécu "plusieurs années de libertinage" avec une femme de chambre prénommée Manon et qu'il a "souvent maltraité sa femme". Le témoignage de son épouse nous éclaire un peu plus encore sur la personnalité du prévenu : Il lui donnait "peu" d'argent et le lui "jetait souvent comme à un chien"(question 15), il "la maltraitait souvent" et était "brutal comme un cheval"(question 26). Voilà pour le mari modèle...
On finira sur une note plus légère en s'amusant du cri d'orfraie poussé par Marion Sigaut face au sodomite (!) Casanova. Eh bien, redécouvrons (et faisons-la découvrir à Madame Sigaut...) la page en question, extraite des mémoires du libertin :
le supplice de Damiens |
On connaît l'hypothèse de Marion Sigaut concernant l'affaire : la fille de Damiens aurait fait l'objet d'un enlèvement, elle aurait ensuite échoué à l'Hôpital Général, elle aurait enfin été victime d'abus sexuels comme tant d'autres enfants de l'époque. Le roi aurait quant à lui été mêlé d'une manière ou d'une autre à ce trafic pédocriminel, ce qui expliquerait in fine l'attentat commis par Damiens... Ouf...
Pour appuyer cette thèse (vous aurez noté que le conditionnel est souvent de mise), Marion Sigaut avance deux arguments :
- Robert-François Damiens était un "homme de coeur et de courage", "époux amoureux d'une douce Elizabeth", "papa d'une jolie Marie dont il était fou", et "valet modèle". Avec un tel portrait, qui oserait encore croire que l'attentat ait été l'acte d'un déséquilibré ? Ou même celui d'un comploteur ? Non, ce brave homme a tout simplement voulu se venger, cela crève les yeux !
- De qui ? Mais d'un roi "pédophile" voyons ! De ce pédocriminel qu'était Louis XV ! De là à imaginer qu'il ait abusé de la petite Marie (avec la complicité des monstres jansénistes, évidemment), il n'y a qu'un pas à faire...
Et voilà ! La boucle est bouclée. Passez, muscade !
On passera assez rapidement sur cette accusation, totalement anachronique, qui présente le roi sous les traits d'un pervers attiré par les petites filles. Dans son ouvrage Louis XV intime, Comte Fleury dresse effectivement une liste assez stupéfiante des petites maîtresses du souverain en même temps qu'un portrait de Madame de Pompadour, la "surintendante des plaisirs du roi". Mais si la "putain" Marie-Louise Murphy (le mot est de d'Argenson) avait 15 ans lorsqu'elle entra dans son lit, d'autres comme la Pompadour ou la du Barry étaient âgées de plus de vingt ans lorsqu'elles devinrent ses maîtresses.
Marie-Louise Murphy peinte par Boucher |
Lieu sinistre, le quartier du Parc-aux-cerfs vit défiler un nombre incalculable de jeunes femmes et d'autres, plus âgées, destinées à satisfaire l'appétit sexuel démesuré d'un roi libertin et débauché. Qu'elles aient été vierges ou non, ces "amours de passage" (le mot est cette fois de Comte Fleury) se devaient surtout d'être saines afin de prévenir tout risque de maladie. C'était la condition sine qua non pour obtenir ce bien triste sésame...
On s'attardera davantage sur le très surprenant portrait de Damiens que nous propose ici Marion Sigaut. En effet, les documents du procès contredisent point par point toutes les affirmations de la polémiste (mais ils sont trafiqués ! nous dirait-elle...)
Ainsi, Damiens n'a rien de ce "valet modèle" décrit ci-dessus. C'est au contraire l'instabilité qui qualifie le mieux ses premières années de service : après un an et demi chez les Jésuites, il quitte leur maison parce qu'on a voulu le "mettre à l'eau" (questions 44-45) ; puis onze mois chez le sieur Colabeau, avant de revenir chez les Jésuites où il reprend le "même poste" (question 48) ; il demeure un temps chez le comte de Bouville, mais en est "renvoyé" (question 54) ; il quitte ensuite un conseiller du Parlement pour des "vivacités" (question 62), le comte de Maridor parce qu'il "s'ennuyait du pays du Maine"(question 64) , Madame de Verneuil parce qu'il est "renvoyé" (question 72). On s'épargnera l'ennuyeuse liste de ces états de service fort peu honorables pour nous tourner vers cette journée du 5 juillet 1756, où la vie de Damiens bascule définitivement, avec le vol de deux cent quarante louis d'or (seulement "cent trente", plaide Damiens) auprès du négociant Michel. De juillet 1756 à janvier 1757, l'existence de ce "valet modèle" se résumera à une fuite dans le nord de la France pour échapper aux autorités. On notera au passage que cet être parfaitement équilibré, qui n'avait rien d'un "fou" ni d'un "irresponsable" (dixit madame Sigaut) tenta lors de son périple de mettre fin à ses jours en ingérant de l'arsenic (6ème interrogatoire, question 171).
Damiens |
Un mot enfin sur l'"époux amoureux" dont parle Marion Sigaut... On apprend au cours du 6è interrogatoire de Versailles qu'il a vécu "plusieurs années de libertinage" avec une femme de chambre prénommée Manon et qu'il a "souvent maltraité sa femme". Le témoignage de son épouse nous éclaire un peu plus encore sur la personnalité du prévenu : Il lui donnait "peu" d'argent et le lui "jetait souvent comme à un chien"(question 15), il "la maltraitait souvent" et était "brutal comme un cheval"(question 26). Voilà pour le mari modèle...
On finira sur une note plus légère en s'amusant du cri d'orfraie poussé par Marion Sigaut face au sodomite (!) Casanova. Eh bien, redécouvrons (et faisons-la découvrir à Madame Sigaut...) la page en question, extraite des mémoires du libertin :
"Au supplice de
Damiens,
j’ai dû détourner mes yeux quand je l’ai entendu hurler n’ayant
plus que la moitié de son corps ; mais la Lambertini et Mme XXX
ne les détournèrent pas ; et ce n’était pas un effet de la
cruauté de leur cœur. Elles me dirent, et j’ai dû faire semblant
de leur croire, qu’elles ne purent sentir la moindre pitié d’un
pareil monstre, tant elles aimaient Louis XV. Il est cependant
vrai que Tireta tint Mme XXX si singulièrement occupée pendant tout
le temps de l’exécution qu’il se peut que ce ne soit qu’à
cause de lui qu’elle n’a jamais osé ni bouger, ni tourner la
tête.
Giacomo Casanova |
Etant derrière elle,
et fort près, il avait troussé sa robe pour ne pas y mettre les
pieds dessus, et c’était fort bien. Mais après j’ai vu en
lorgnant qu’il l’avait troussée un peu trop ; et pour lors
déterminé à ne vouloir ni interrompre l’entreprise de mon ami,
ni gêner Mme XXX, je me suis mis de façon derrière mon adorée que
sa tante devait être sûre que ce que Tireta lui faisait ne pouvait
être vu ni de moi ni de sa nièce. J’ai entendu des remuements de
robe pendant deux heures entières, et trouvant la chose fort
plaisante, je ne me suis jamais écarté de la loi que je m’étais
faite. J’admirais en moi-même plus encore le bon appétit que la
hardiesse de Tireta, car dans celle-ci j’avais été souvent aussi
brave que lui.
Quand j’ai vu, à la
fin de la fonction, Mme XXX se lever, je me suis tourné aussi. J’ai
vu mon ami gai, frais et tranquille comme si de rien n’était ;
mais la dame me parut pensive, et plus sérieuse que d’ordinaire.
Elle s’était trouvée dans la fatale nécessité de devoir
dissimuler et souffrir en patience tout ce que le brutal lui avait
fait pour ne pas faire rire la Lambertini, et pour ne pas découvrir
à sa nièce des mystères qu’elle devait encore ignorer."
O.M
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