Dans nos systèmes par contre, être député d’un parti politique c’est
recevoir les ordres de mission, non des électeurs, mais des hiérarchies
du parti et, de plus, ce système offre la possibilité de faire carrière
en s’assurant des revenus réguliers ! À l’époque, non ! Un commis de
confiance était payé par ses commettants le temps de sa mission, soit un
nombre très limité de mois.
Avec une représentation permanente, comme cela le devint pendant la Révolution,
il fallait bien sûr adapter l’institution du commis de confiance et
c’est ce qui fut proposé par Robespierre, dans son projet de
constitution qu’il fit avec Saint-Just en avril 1793, et qui fut adopté
par la Société des Amis de la Liberté et de l’Égalité séante aux
Jacobins : Robespierre, grand défenseur des assemblées primaires
communales, proposa d’instituer la révocation des élus de la manière
suivante :
« À l’expiration de leurs fonctions, les membres de la législature et les agents de l’exécution, ou ministres, pourront être déférés au jugement solennel de leurs commettants. Le peuple prononcera seulement s’ils ont conservé ou perdu sa confiance. Le jugement qui déclarera qu’ils ont perdu sa confiance emportera l’incapacité de remplir aucune fonction publique. Le peuple ne décernera pas de peine plus forte et, si les mandataires sont coupables de quelques crimes particuliers et formels, il pourra les renvoyer au tribunal établi pour les punir.» |
Les
fonctions publiques étaient renouvelées chaque année et le contrôle des
électeurs suivait et était donc fréquent et régulier : il permettait de
chasser les « mauvais » commis. On comprend l’intérêt d’une telle
institution pour protéger la démocratie…
Je rappelle encore que la Révolution des 31 mai - 2 juin 1793 fut une application du droit du peuple à révoquer ses mandataires infidèles : une manifestation pénétra dans la Convention et réclama la révocation de 22 mandataires, considérés comme ayant trahi le peuple. Il s’agissait des 22 députés girondins qui avaient mené une politique calamiteuse et dangereuse en déclarant la guerre de conquête aux peuples voisins.
La question était d’instituer un contrôle des élus par les électeurs,
pour rappeler que le peuple était bien le souverain, car la question
centrale de la politique demeure toujours la même : qui prend la
décision ? C’est le peuple souverain, répondait cette époque qui avait
choisi la démocratie.Je rappelle encore que la Révolution des 31 mai - 2 juin 1793 fut une application du droit du peuple à révoquer ses mandataires infidèles : une manifestation pénétra dans la Convention et réclama la révocation de 22 mandataires, considérés comme ayant trahi le peuple. Il s’agissait des 22 députés girondins qui avaient mené une politique calamiteuse et dangereuse en déclarant la guerre de conquête aux peuples voisins.
Et si c’est le peuple souverain, il doit alors en avoir les moyens institutionnels.
Existait-il des partis politiques pendant la Révolution française ? Oui, bien sûr, il y en a eu de deux sortes :
- Ceux qui refusaient le principe démocratique de souveraineté
populaire et qui instituèrent une forme d’aristocratie des riches depuis
septembre 1789 : ceux-là voulaient, et parvinrent, à supprimer les
assemblées primaires communales, jusqu’à ce que la Révolution du 10 août
1792 renverse la Constitution de 1791 et fonde une République
démocratique.
- Et les partis démocratiques qui respectaient la souveraineté
populaire, comme le furent la Société de la liberté et de l’égalité
siégeant aux Jacobins et la Société des droits de l’homme, dit Club des
Cordeliers. Ces sociétés avaient leurs objectifs et recrutaient ceux qui
les partageaient, et leurs réunions étaient publiques. Mais ils ne
gênaient pas les assemblées primaires communales et leurs membres y
participaient en tant que citoyen, dans la commune ou la section de
commune où ils étaient domiciliés. Et ce n’était pas en tant que
« parti » que certains d’entre eux pouvaient être élus, mais parce
qu’ils étaient connus des citoyens qui les avaient vus agir.
En
1792-1794, les élus de ces sociétés étaient minoritaires à la Convention
et c’était le débat sur des propositions précises qui permettait de
dégager une majorité. Ces partis politiques ne rivalisaient pas avec les
assemblées primaires communales et, au contraire, prirent leur défense.
D’où vient la méconnaissance de ces institutions ?
Et pourquoi n’enseigne-t-on pas cette histoire à l’école ? Car enfin,
la chose est bien connue des chercheurs et de nombreux ouvrages existent
à ce sujet.
La connaissance est une chose et les préjugés d’une
époque en sont une autre : le nom même de Moyen-âge, qui date du XIXe
siècle, mérite une analyse historique critique que les historiens du
Moyen-âge ont entreprise depuis longtemps déjà, mais qui n’atteint pas
le grand public.
Pour résumer, je dirai que le mépris du peuple,
paysan en particulier, et des pratiques démocratiques des communautés
villageoises comme des corps de métiers urbains, a été fortement
développé et s’est finalement imposé comme préjugé d’une époque, celle
de la victoire d’un « progrès » attaché au formes capitalistes,
impérialistes et à l’urbanisation. Le Moyen-âge, qui ne portait pas ce
nom jusque-là, est devenu, récemment, au début du XIXe siècle, la
période des siècles barbares, de l’obscurantisme religieux et de
l’absence de lois : par simple préjugé. Mais lisez le grand historien du
Moyen-âge, Marc Bloch, vous y verrez tout autre chose… Regardez aussi
Rodney Hilton qui poursuit le travail de Bloch et raconte la longue
résistance des paysans à la seigneurie asservissante, en Angleterre et
en Italie du Nord, et puis aussi, (c’est en anglais non encore traduit)
Bryan Tierney qui a retrouvé l’origine de l’idée de droits naturels de
l’humanité tout entière… apparue au Moyen-âge !
Marc Bloch |
Et là, nous
touchons le problème de la diffusion de la connaissance et des résultats
de la recherche dans notre société : une affaire éminemment politique,
comme on l’aperçoit.
Si les élections aux États généraux vous
intéressent, pour en connaître davantage, reportez-vous à l’excellent :
Pierre GOUBERT, 1789, Les Français ont la parole, Collection
Archives (en poche), ce sont des doléances des cahiers du premier degré
du Tiers-état, choisies et commentées par un grand historien. Ou si vous
voulez pousser la curiosité, allez voir Les Archives parlementaires,
les premiers volumes, qui détailleront la chose, sur internet… Et si
les pratiques démocratiques populaires, à Paris de 1792 à 1794,
retiennent votre attention, lisez Albert SOBOUL, Les Sans-culottes parisiens en l’an II, Seuil, 1968.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Pour commenter cet article...