dimanche 10 novembre 2013

Maupertuis (1)

Au cours du premier tiers du XVIIIè siècle, la vénérable Académie des Sciences voit monter une jeune génération de scientifiques dont Maupertuis devient rapidement le chef de file. Adjoint géomètre en 1723, puis pensionnaire en 1731, il prend bientôt part au vieux débat qui oppose Français et Anglais quant à la forme de notre globe.
Celui-ci est-il aplati aux pôles et enflé à l'équateur, comme semble l'avoir établi Newton, ou est-il au contraire écrasé à l'équateur, ce que soutient le parti cartésien ?

En 1735, malgré la réticence de la vieille garde des académiciens, Maupertuis propose de mener une expédition au pôle, complémentaire de celle déjà entreprise au Pérou par la Condamine et Godin. Désireux de marquer le monde scientifique de son empreinte, Maupertuis déchaîne ses amis les plus proches (notamment le jeune mathématicien Clairaut, mais également le naturaliste Buffon) contre les traditionalistes cartésiens (les Cassini père- 1677/1756- et fils- 1714/1784, ainsi que leurs alliés majoritaires à l'Académie).
Pour trancher définitivement la question, l'institution accepte donc (avec l'aval du ministre Maurepas) le projet d'une seconde expédition, que Maurepas entreprend en avril 1736, entouré de ses partisans les plus proches : Clairaut et le suédois Celsius, mais également le mathématicien Lemonnier ainsi que l'abbé Outhier.
Le voyage durera 16 mois, au cours desquels ces quelques scientifiques parviendront à "mesurer le degré le plus septentrional que vraisemblablement il soit permis aux hommes de mesurer, le degré qui coupait le cercle polaire" (extrait du discours de Maupertuis lu devant l'Académie à son retour en 1737). Avide de célébrité et même de gloire, Maupertuis maintient très intelligemment l'intérêt de l'opinion publique en entretenant avec certaines de ses amies mondaines une correspondance abondante et très détaillée qu'elles sont chargées de diffuser dans les cercles et salons parisiens. Ainsi, Madame du Châtelet (l'une de ses innombrables maîtresses) fut-elle régulièrement mise au courant de l'avancée des découvertes, bien que Maupertuis se gardât bien d'en révéler l'essentiel. 
Lorsqu'il revient en France (en août 1737), l'hypothèse qu'il était le premier à soutenir est devenue réalité. Et cette victoire personnelle, Maupertuis compte bien la transformer en triomphe public. Pour l'heure, débordant d'orgueil, il en profite pour poser en vainqueur du globe terrestre...
 

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