vendredi 28 novembre 2014

Vasta, reine de Bordélie, par Piron ? (acte II)


ACTE DEUXIEME



SCENE 1.


CONILLE, seule

Quoi! je me vois réduite à pleurer mon amant;

Vit-molet va périr! et ce fatal instant

De Fout-six-coups, peut-être, annonce la victoire;

Pourrai-je, Vit-molet, survivre à ta mémoire?

Conille pourra-t-elle oublier des plaisirs

Que toi seul faisais naître en comblant mes désirs;

Que de fois je t’ai vu, prévenant ma tendresse,

Me plonger tout-à-coup dans la plus douce ivresse!

Ton doigt vif et léger, excitant mon bonheur,

Remplaçait bien souvent ton manque de vigueur:

A mon illusion je succombais sans peine;

Non, rien ne pourra rompre une si douce chaîne;

Du cœur qui te chérit rien ne peut t’arracher:

Si tu ne sais pas foutre, au moins tu sais branler.

On vient : de mes transports cachons la violence.



SCÈNE 2.

CONILLE, VASTA.



VASTA, sortant de son boudoir, en désordre,

Ah! je décharge encore, et mon impatience

A peine à se calmer dans des momens si doux.

Que l’on t’a bien nommé! viens, mon cher Fout-six-coups,

Viens apaiser mes sens, satisfais ma tendresse.

Je tombe dans tes bras. Que vois-je? la princesse;

(à Conille.)

Que cherchez-vous , ma fille, et pourquoi vous troubler ?

Que m’annoncent ces pleurs, et qui peut les causer ?



CONILLE, tremblante,

Ah! maman, savez-vous... non, je n’ose le dire,

Fout-six-coups, Vit-molet. . . . Quel aveugle délire ?

Tous deux en ce moment... un récit aussi long

Retarde le secours …



VASTA.

Et, foutre, parlez donc.



CONILLE.

Maman, ils sont aux mains, n’en ayons aucun doute,

Vit-Molet va périr.



VASTA.

Et que l’aze le foute.

Dieu garde Fout-six-coups, tout le reste n’est rien,

Périsse ton fouteur, si l’on sauve le mien.

Et vous, Frappart, volez, conservez ce que j ’aime;

Songez que s’il périt, je m’en prends à vous-même;

S’il faut que Fout-six-coups soit jamais abattu,

Les couilles je vous coupe au rasibus du cul.

Et toi, qui pour un lâche a montré de la crainte,

Calme ces vains transports, et cesse toute plainte:

Pourrais-tu regretter un foutu Vit-molet,

Sans force, sans vigueur, et bandant sans effet ?

De ses flasques couillons que pourrais-tu prétendre ?

S’il se lasse à bander, tu te lasses d’attendre.

Le Grand-Prêtre paraît, il faut le consulter;

Puisse la voix du ciel à mes vœux s’accorder .!



SCÈNE III.

VASTA, CONlLLE, LE GRAND-PRÊTRE. .



VASTA.

Ministre des autels élevés à Priape,

O toi que je révère, et dont l’aspect me flatte!

Vois la fille et la mère, embrassant tes genoux;

T’implorer pour les jours de mon cher Fout-six coups ;

Rends-moi mon prince, hélas !



LE GRAND-PRÊTRE.

Ne troublez point vos âmes,

Foutez, et taisez-vous, c’est le devoir des femmes:

Je jure par les cons de l’univers entier,

Par Priape, sous qui tout doit céder, plier,

Qu’aujourd’hui Fout-six-coups, élevé sur le trône,

Recevra de vos mains le sceptre et la couronne.

Dussé-je être châtré, j’en ai fait le serment,

J ’en atteste le ciel, mon vit en est garant;

Priape néanmoius demande un sacrifice,

Implorons de ce dieu la suprême justice,

Et que sur ses autels, cent bardaches tous nus,

Par cent bougres choisis à l’instant soient foutus:

Voilà ce qu’il exige, obéissez, princesse;

Venez, que votre main, leur découvrant la fesse,

Aide dans ce moment le ministre des dieux;

Pour vous y préparer, branlez-vous toutes deux.



SCENE IV

CONILLE, seule, au désespoir



Qui? moi! pour Fout-six-coups que mon âme déteste ?

J’implorerais un dieu dont le pouvoir funeste

Peut accabler l’amant que mon cœur a choisi!

Ah! périsse plutôt ce barbare ennemi,

Qu’il soit à mes regards écrasé par la foudre;

Puissé-je voir son vit et ses couillons en poudre,

Voir ce lâche fouteur à son dernier soupir,

Me foutre pour sa peine, et mourir de plaisir!



SCENE V

CONILLE, COUILLE-AU-CUL



CONILLE.

Que vois-je ? Couille-au-cul ? Ah ! Rassurez mon âme,

Qu’est devenu le prince ?



COUILLE-AU-CUL

Il est foutu, madame,

Cet amant malheureux, en quittant ce séjour,

Maudissait tristement le pouvoir de l’amour;

Étendu sur son lit, trois garces affligées

Le branlaient lentement autour de lui rangées;

Et ce superbe vit, qu’on voyait autrefois

Plein d’une ardeur si noble obéir à sa voix,

Mol, flasque maintenant, et la tête baissée,

Semblait se conformer à sa triste pensée:

Un effroyable bruit, et des cris pleins d’horreur,

Portent dans tous les sens le trouble et le terreur,

La porte, qu’à. la garde on avait confiée,

Par mille coups de cul dans l’instant enfoncée,

S’ébranle avec fracas, et vomit à nos yeux

Parmi des flots de peuple un bougre furieux ;

Son vit large et carré, dont l’audace est extrême,

Veut foutre l’univers et Priape lui-même:

Rien ne peut retenir ce fouteur indompté;

Le cul qui l’aperçoit recule épouvanté.

Vit-molet, qui le voit, fait trois pas en arrière;

C’est Fout-six-coups, dit-il, en tournant le derrière.

Fuyons de mon rival la barbare fureur;

Abandonnons ce lieu à cet usurpateur.

A peine a-t-il parlé, que Fout-six-coups l’arrête:

Lâche, c’est vainement retarder ma conquête,

Dit-il; et, d’une main que Priape conduit,

Il l’abat à ses pieds, et, de deux coups de vit,

Sans écouter ses cris, ni son triste murmure,

Il lui fait dans le cul une large blessure.

Pour moi, qui n’ai pu voir ce spectacle éclatant

Sans paraître, madame, interdit et tremblant,

J ’ai couru, j’ai volé, dans ce moment terrible:

Puissent, les dieux, punir cet attentat horrible!



CONILLE.

Que d’horreurs ! je succombe, et, mon cœur abattu,

De rage et de douleur, déchiré, combattu,

Regrette cet amant, qui m’avait su séduire.

Il a pu se laisser enculer sans rien dire!

Oublions à jamais un si lâche mortel,

Et, de ce pas, courons.



COUILLE-AU-CUL.

Où? princesse.



CONILLE.

Au bordel.


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