samedi 22 août 2015

Lassay et l'utopie de Félicie

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En son temps, les aventures amoureuses d'Armand de Madaillan de Lesparre (1653-1738), dit le Marquis de Lassay, défrayèrent la chronique et lui valurent le surnom de Don Juan du Grand Siècle
le marquis de Lassay
Ignorée du public, son oeuvre littéraire n'en mérite pas moins le détour, notamment cette Relation du Royaume de Félicie, une utopie écrite en 1726. Bien avant Voltaire et son Eldorado (dans Candide en 1759), l'auteur y décrit un lieu coupé du monde dont la capitale, Leliopolis, apparaît comme l'exact opposé de Paris...
Sa critique politique semble quant à elle bien plus impertinente que celle du patriarche de Ferney...
 

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Après le naufrage, le narrateur découvre l’île de Félicie. Dans ce passage, il évoque les caractéristiques de ce royaume.

Il est borné d’un côté par la mer, des trois autres côtés par de fort hautes montagnes qui le séparent d’autres peuples, et par une grande rivière qui sort de ces montagnes, et prenant son cours du côté de la Ligne, va se jeter dans la mer, à vingt lieues au-dessous de la ville capitale qui est bâtie sur cette rivière à la même élévation que Marseille, et qui s’appelle Leliopolis. Cette ville, qui est extrêmement peuplée, est à peu près grande comme Paris, mais bâtie beaucoup plus régulièrement, d’une pierre jaspée, aussi belle que le marbre, et pavée d’un pavé blanc et rouge, fort dur ; les maisons n’y sont pas aussi hautes qu’à Paris, mais plus égales, les rues sont tirées au cordeau, avec de grandes places d’espace en espace ; des fontaines et des édifices publics magnifiques, et surtout les temples où ils s’assemblent pour faire leurs prières. (…) Les sciences et l’étude sont aussi du goût de la nation, et il y a quantité de gens savants parmi eux : ils ont poussé leurs connaissances fort loin, et ils ont des livres admirables dans presque tous les genres d’écrire ; ils nous surpassent dans la plupart des arts ; ils excellent dans la poésie, dans la musique, dans l’architecture, dans la sculpture et dans la peinture. (…) Ils sont persuadés que la vraie gloire d’un roi consiste à rendre les peuples heureux, et à laisser ses voisins en repos ; si bien que les rois des Féliciens, élevés dans ces maximes et instruits par leurs pères, observent régulièrement le traité fait avec leurs peuples, et les conditions auxquelles ils les ont élevés sur le trône ; contents de l’autorité qui leur a été accordée, ils ne songent point à empiéter sur la liberté de leurs sujets, qui de leur côté rassurés par l’exemple des siècles passés, ne craignent rien de leurs rois et ne sont occupés qu’à donner des marques de leur zèle et de leur reconnaissance à des princes qui les ont toujours rendus heureux.

La moindre révolte serait punie par les plus cruels supplices ; car il n’y a que la nation entière, représentée par ses députés qui composent les états du Royaume, qui soit en droit d’examiner la conduite du roi ; et chaque particulier, quelque grand qu’il soit, lui doit une obéissance aveugle.


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