Grand quotidien fondé par Emile de Girardin, La Presse consacre en décembre 1875 un long article à Louise d'Epinay.
En voici un premier extrait.
" Les Mémoires de Mme d'Epinay, a
dit Sainte-Beuve, ne sont pas un ouvrage, c'est une époque. " C'est
encore plus, car on n'y trouve pas seulement le tableau fidèle d'une société,
la plus polie et la plus raffinée qui ait jamais été, a ce moment unique de sa
transformation, quand tout s'y renouvelle à la fois, les idées et les passions,
les lois et les mœurs mais on y trouve encore le portrait fort ressemblant, quoique
tracé par elle-même, d'une personne, à beaucoup d'égards originale, singulièrement
attrayante pour l'observateur, et dont l'étude, est une véritable bonne fortune
pour le moraliste une de ces femmes qui sont plus femmes que les autres, et qui
personnifient leur sexe, à l'une des périodes les plus curieuses de son histoire.
(…)
Le 23 décembre 1745, à minuit était célébré dans l'église
Saint-Roch, sans appareil et en présence de vingt-deux personnes appartenant
toutes à la famille, le mariage de messire Denis-Joseph La Live d'Epinay,
écuyer, âgé de vingt et un ans, fils de messire Louis-Denis La Live de Bellegarde,
écuyer, seigneur d'Epinay et autres lieux, et de défunte dame Marie-Josèphe
Prouveur, avec demoisle Louise-Florence-Pétronille deTardieu d'Esclavelles,
âgée de vingt ans, fille de défunt messire Louis-Gabriel de Tardieu
d'Esclavelles, chevalier, brigadier des armées du roi, commandeur de l'ordre
royal et militaire de Saint-Louis, gouverneur de la citadelle de Valenciennnes,
et de dame Florence-Angélique Prouveur.
La mariée, qui épousait son
cousin germain, n'était autre que notre Mme d'Epinay. Appartenant à une famille
de vieille noblesse hormande, remontant au quinzième siècle, riche d'honneur
seulement, elle entrait dans une maison dont la fortune et l'illustration
avaient été conquises dans la finance. La famille de La Live était depuis
longtemps dans les affaires. Un de ses membres était receveur général dès 1705.
En 1716, lors des opérations du visa, fermier-général, Christophe La Live avait
été taxé à un million deux cent mille livres de restitution. M. de Bellegarde devait être son fils.
D'abord directeur-général, il fut nommé fermier-général en 1721 et continué
dans les baux suivants. Denis de La Live d'Epinay, son fils ainé, avait été
reçu en survivance de sa charge. (…)
II donna à son fils trois cent
mille livres et environ pour douze mille livres de diamants à sa bru. Il laissa
les frais de la noce à la charge de ses enfants, sous prétexte que c'est à ceux
qui dansent à payer les violons. Mme d'Epinay avait reçu, tant du bien de son
père que de celui de sa mère, trente mille livres d'argent, douze mille livres
de trousseau et dix-huit mille livres de meubles et de linge. Son oncle et tuteur,
André Prouveur, prêtre, docteur en théologie, prévôt de l'église collégiale de
Condé, diocèse de Cambrai, lui avait assuré une terre qu'il possédait.
Enfin, elle se mariait en communauté de biens, avec promesse d'un douaire de trois
mille livres de rente.
Le jeune ménage, logé d'ailleurs à l'hôtel paternel, rue
Saint-Honoré, avait, en somme, de quoi commencer. M. d'Epinay jouissait d'une
portion des revenus de sa charge, et les espérances, nous parlons de celles qui
s'escomptent, ne lui manquaient pas. Sa part dans la succession de son père
devait, en effet, s'élever à dix-sept cent mille livres.
(à suivre ici)
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