Si on n'ignore plus rien des auteurs des Lumières, il nous reste tout à apprendre sur les hommes : sur leurs passions, leur courage et leur générosité, mais également sur leurs ambitions, leurs haines et leurs noirceurs. Ecrit au gré de mes humeurs, ce blog raconte mon amour du XVIIIè siècle.
lundi 7 décembre 2020
mardi 20 octobre 2020
Faut-il punir les blasphémateurs ?
Loi civile, loi morale, loi religieuse...
Les événements que nous venons de vivre posent une fois encore la question du droit, sujet déjà central à l'époque des Lumières, notamment dans le combat mené par Voltaire contre l'institution judiciaire de son temps.
Car le droit que s'arrogent aujourd'hui certains hommes de "châtier" leurs prochains, notre justice d'Ancien Régime l'appliquait de manière tout aussi implacable.
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Diot et Lenoir, brûlés en place publique pour "crime de sodomie" |
Ce préalable posé, expliquons quel fut le véritable objectif des Lumières (de Voltaire en particulier), à savoir laïciser la justice et la dépouiller de fondements théologiques qui confondent crime et péché.
Cette revendication imposait en parallèle une réflexion sur la proportionnalité des délits et des peines.
Plus tôt dans le siècle (dans l'Esprit des lois, en 1748), Montesquieu avançait déjà de telles propositions, à savoir que le blasphème et l'impiété ne devaient pas relever des hommes, mais uniquement de Dieu. Pour lui comme pour Voltaire, aucun principe religieux n'avait à interférer dans la pratique judiciaire. Le patriarche de Ferney dira avec la malice qui le caractérise : "il est absurde qu'un insecte croie venger l'être suprême. Ni un juge de village, ni un juge de ville, ne sont des Moïse et des Josué" (Commentaire sur le livre Des délits et des peines, 1766). Précisons d’ailleurs avec Benoît Garnot (il enseigne à l'université de Bourgogne) que ledit Voltaire ne s'est véritablement intéressé à la question judiciaire (l'affaire Calas, notamment) que dans le cadre de son combat anticlérical.
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Condamné pour blasphème et impiété |
- Autre arrêt de la Cour du 29 juillet 1748... par lequel Nicolas Dufour, pour avoir proféré plusieurs horribles et exécrables blasphèmes contre le Saint nom de Dieu, la Sainte Eucharistie et la Sainte Vierge, a été condamné à faire amende honorable nu en chemise et la corde au col, ayant écriteaux devant et derrière, portant ces mots, blasphémateur du Saint Nom de Dieu..., et ensuite à avoir la langue coupée et à être pendu, et son corps brûlé et réduit en cendres.
- Autre arrêt du 13 mars 1724... par lequel Charles Lherbé, nourricier de bestiaux, pour blasphèmes et impiétés exécrables a été condamné... à avoir la langue coupée et à être brûlé vif.
Vous trouverez ces cas mentionnés dans le Traité de justice criminelle (1771) (à partir de la page 266, ici)
lundi 12 octobre 2020
mardi 22 septembre 2020
Les Etats Généraux vus par Jean-Christian Petitfils (3)
Les extraits qui suivent proviennent d'une contribution de l'écrivain Jean-Christian Petitfils au Livre Noir de la Révolution Française (2008).
Il propose ici une relecture très personnelle de la convocation des Etats Généraux.
(pour lire ce qui précède)
L'élément déclenchant fut, comme l'a montré l'historien Timothy Tackett, le refus des députés de la noblesse de vérifier leurs pouvoirs en présence de ceux du tiers. En réaction, ceux-ci se constituèrent en assemblée autonome le 12 juin. Il fallait « couper le câble», comme disait l'abbé Sieyès. Le 17, cette assemblée à laquelle s'étaient joints quelques membres du clergé, dont l'abbé Grégoire, se proclama «Assemblée nationale ». «Ce décret, dira avec pertinence Mme de Staël, était la Révolution même. » Le 19, les délégués du clergé décidèrent de rejoindre le tiers. Le 20, redoutant la dissolution des états généraux, les membres de la nouvelle assemblée prononcèrent le fameux serment du Jeu de Paume, jurant de ne pas se séparer tant qu'une constitution du royaume n'aurait pas été rédigée.
Au regard de l'ancien droit et des institutions monarchiques, c'était un coup d'État sans précédent, un gigantesque déplacement de pouvoir mettant à bas tout l'édifice séculaire du mystère capétien, auréolé du sacre de Reims. L'assemblée s'était emparée du pouvoir constituant au nom de la souveraineté nationale, telle que l'avait définie Sieyès dans sa fameuse brochure, et elle entendait l'exercer en plénitude, dépouillant le roi de sa propre souveraineté.
Le moment était capital, décisif, même si les députés mirent un certain temps à en tirer toutes les conséquences. On passait d'une représentation de la nation à l'ancienne, assise sur la juxtaposition des intérêts sociaux, à celle d'une nation moderne, fondée sur un corps politique unifié, englobant l'ensemble des citoyens, dans laquelle en définitive le roi n'avait plus sa place, sinon comme un simple fonctionnaire. À l'absolutisme monarchique, qui dans la réalité n'était qu'une fiction, compte tenu de la multitude des corps intermédiaires de l'Ancien Régime, se substituait l'absolutisme populaire, pouvoir fort, redoutable, détenteur de toute autorité, exécutive, législative et judiciaire, enclin par son origine comme par sa nature à la toute-puissance. Le rejet du bicaméralisme en septembre ne fit qu'aggraver le mouvement. Ce concept d'une souveraineté unique, appartenant à la nation et s'incarnant dans une assemblée omnipotente, allait peser lourd sur la suite de la tragédie révolutionnaire. Bientôt, on verra l'assemblée réduire les pouvoirs du roi telle une peau de chagrin, voulant légiférer jusque dans le domaine religieux, au point de se prendre parfois pour un concile œcuménique! «Nous sommes une convention nationale, dira le député Camus le 3 mai 1790. Nous avons assurément le pouvoir de changer la religion, mais nous ne le ferons pas» ! Cette appropriation sans partage de la souveraineté par une assemblée élue rendait impraticable toute monarchie constitutionnelle, malgré la bonne volonté de Louis XVI, prêt pourtant, pour le bonheur de son peuple, à tenter l'expérience. Roi réformateur, ayant accepté la fin de la société d'ordres, les droits de l'homme et à peu près toutes les transformations de la société civile, il aurait pu être le meilleur roi possible pour la Révolution naissante, mais c'est elle finalement qui, par son intransigeance dogmatique, n'a pas voulu de lui.
Il est permis de penser que tous les maux ultérieurs de la Révolution, l'emballement des événements, les désordres, le déchirement des factions, le déchaînement des violences, la Terreur elle-même,trouvent leur origine dans cet acte fondateur. Une si brutale et si violente révolution juridique permet aussi de comprendre pourquoi la démocratie française sera fort différente des démocraties britannique ou américaine, sagement hérissées de contre-pouvoirs, respectueuses du droit des minorités et qui, elles, n'ont pas eu l'audace prométhéenne de placer au centre de leur réflexion politique la question quasi métaphysique de la souveraineté originelle.
La rupture radicale est souvent l'ennemie du bien commundimanche 16 août 2020
Les Etats Généraux vus par Jean-Christian Petitfils (2)
Pourquoi donc et comment cette marge de manœuvre dont Louis XVI disposait à l'ouverture des états généraux a-t-elle été gâchée?
Trois facteurs principaux au moins expliquent le déclenchement de la crise révolutionnaire de juin, «tragédie centrale du règne », comme l'a bien vu l'historien britannique John Hardman.
Le premier fut la singulière division du Conseil du roi et de la cour. Une large partie de l'entourage royal rejoignit le clan des partisans de l'absolutisme animé par le comte d'Artois: le groupe des Polignac, favorable au début à la modernisation de la monarchie administrative, et la reine elle-même, qui allait exercer sur son mari une influence néfaste. Tous estimaient qu'il fallait mettre un coup d'arrêt à la fermentation de l'opinion. Artois avait dit à son frère que «sa couronne était en danger, que Necker était un second Cromwell ».
Le second facteur fut le refus de Necker, à qui incombait la conduite des affaires intérieures, de proposer aux états généraux un programme détaillé de réformes. L'assemblée des députés, forte de 1 154 membres, réunie à l'hôtel des Menus-Plaisirs, se trouva ainsi livrée à elle-même, après une séance d'ouverture le 5 mai, magnifique quant au déploiement du faste monarchique, mais atone sur le plan politique et qui laissait sur leur faim les éléments les plus réformateurs. Le discours de Necker, en particulier, faisait étalage de chiffres, de technique financière, au milieu d'un flot de lieux communs, évoquait longuement la dette et le déficit, sans proposer le moindre remède. Personne ne comprit où il voulait en venir. Et ce fut tout. Des semaines furent perdues ensuite à vérifier les pouvoirs des élus, dans une vive atmosphère de tension entre les trois ordres. L'inaction engendra l'exaspération.
Le dernier facteur fut la maladie du petit dauphin, Louis Joseph Xavier, qui mourut de tuberculose à sept ans, le 4 juin. Louis et Marie-Antoinette furent accablés par ce décès, qui ne souleva pas la moindre émotion dans l'opinion. «À partir de ce jour-là, écrira la reine à son frère Léopold, le peuple est en délire et je ne cesse de dévorer mes larmes. » Les députés du tiers, qui avaient élu Bailly comme doyen - Bailly qui déclarait: «Vos fidèles communes (ainsi désignait-il, à l'image de l'Angleterre, l'assemblée particulière du tiers état) n'oublieront jamais cette alliance du trône et du peuple contre les aristocraties» -, insistèrent pour être reçus par le roi, comme l'avaient été les nobles. Sans succès. Louis, tout à sa douleur, refusa, en s'interrogeant: «N'y a-t-il pas un père parmi ces gens-là? » Les députés bretons du tiers, particulièrement hostiles à la noblesse, tous membres du club Breton, ancêtre du club des Jacobins, allèrent trouver l'ancien intendant de Bretagne, Bertrand de Molleville, et lui demandèrent eux aussi comment approcher le roi et le soutenir dans sa volonté de réformes. La délégation, une fois de plus, fut éconduite. Le garde des Sceaux Barentin, acquis à la faction du comte d'Artois, faisait barrage devant le roi, de plus en plus isolé et enfermé dans un impénétrable silence. L'autisme apathique du pouvoir, incapable de communiquer, l'irritante aboulie du roi, l'attentisme prudent de Necker créèrent un climat de malaise, d'incertitude et d'incompréhension qui allait vite dégénérer. L'image débonnaire et paternelle du monarque se brouilla sans doute dès ce moment-là. Ce fut en tout cas la vacuité du gouvernement royal qui déclencha le mouvement de 1789. Les députés des états généraux n'étaient pas à l'origine des révolutionnaires, ils allaient le devenir.
lundi 13 juillet 2020
mardi 7 juillet 2020
Les Etats Généraux vus par Jean-Christian Petitfils (1)
lundi 22 juin 2020
L'inspecteur Jean Poussot, raconté par Hervé Bennezon
jeudi 11 juin 2020
A mort, les Lumières !
A MORT LES LUMIERES !
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Virginie Vota, une nouvelle venue chez les Anti-Lumières |
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Joseph de Maistre, l'un des maîtres à penser des Anti-Lumières |
(avril 2020, blog Mediapart)
vendredi 5 juin 2020
L'anti-Justine, roman érotique de Restif de la Bretonne (4)

Restif de la Bretonne
