C'est au mois de décembre 1766 que Julie rencontre le marquis de Mora, jeune militaire espagnol, fils de l'ambassadeur d'Espagne fraîchement nommé en France. De douze ans son aînée, Julie n'en est pas moins impressionnée par le jeune homme, puisqu'elle écrit peu de temps après au président Hénault : "Je veux vous parler de ce qui m'affecte en ce moment, d'une nouvelle connaissance dont j'ai la tête pleine et dont je vous dirais que j'ai le coeur plein, si vous ne me niiez pas d'en avoir un."
Si ce premier séjour dure peu, le suivant (hiver 67-printemps 68) va donner lieu à un coup de foudre réciproque et à une courte période d'idylle amoureuse. Julie est à un tournant de sa vie, déjà gagnée par ce mal de vivre que chanteront les poètes romantiques cinquante ans plus tard. Sans idéal, sans foi, elle connaît alors un dégoût de vivre qu'elle tente d'oublier en fréquentant le tourbillon mondain. Son envie d'aimer, jamais encore elle n'a pu la satisfaire. D'Alembert est là, c'est vrai, mais il n'est qu'un ami, même si de ses amis il demeure le meilleur.
Julie dira plus tard que ces quelques mois furent les meilleurs de son existence. A son départ en mai 1768, Mora promet à Julie qu'il va démissionner de l'armée. De fait, il regagne bientôt Paris (en juin ), et Julie d'avouer : " J'étais aimée à un degré que l'imagination ne peut atteindre. Tout ce que j'ai lu était faible et froid en comparaison du sentiment de Monsieur Mora. Il remplissait toute sa vie ; jugez s'il a dû occuper la mienne."
Le malheur commence à s'insinuer début 1771, lorsque Mora tombe malade et que les médecins lui conseillent de regagner l'Espagne pour soigner ses poumons. Pendant son absence, c'est le pauvre d'Alembert en personne qui se rend quotidiennement à la poste pour y chercher les courriers attendus par Julie. Grimm déplorera ce zèle aveugle dans sa Correspondance Littéraire :" Il n'y a point de malheureux Savoyard à Paris qui fasse autant de courses, autant de commissions fatigantes que le premier géomètre de l'Europe, le chef de la société encyclopédique..."
Passant outre les conseils des médecins, Mora regagne Paris en août 1771. Désormais, Julie passe ses matinées seule avec lui, et chaque soir, elle se montre à ses côtés dans son salon et même dans le monde. Une nouvelle atteinte de son mal va pourtant contraindre Mora à quitter une nouvelle fois Paris, en août 1772.
"Je ne saurais assez vous dire la douleur que me cause ce départ. Je ne pourrais jamais assez m'y réduire si je n'étais assuré de mon retour qui comblera mes voeux et remplira toutes mes espérances", écrit le jeune marquis dans une lettre où perce son inquiétude.
Quelques jours après la séparation, Julie écrira pour sa part : " Toute la nature est morte pour moi, excepté l'objet qui anime et remplit tous les moments de ma vie."
Un amour sincère, passionné et exclusif, dont Julie devra pourtant faire son deuil puisqu'elle ne reverra jamais plus son amant...
Il nous faudra y revenir.
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