lundi 27 décembre 2010

Les Confessions (6) : l'accusation de Marion

L'un des temps forts des Confessions se trouve dans le livre II, entièrement consacré à l'année 1728, lorsque Jean-Jacques devient domestique chez Mme de Vercellis à Turin. Un jour, il vole un petit ruban, et comme on découvre le larcin, il accuse la jeune cuisinière Marion de le lui avoir donné. On assiste alors à une véritable scène de procès en présence d'un juge (le comte de la Roque), d'une accusée (Marion) et d'un accusateur (Jean-Jacques). En lisant ce récit, on ne peut s'empêcher d'établir la parallèle avec la scène des peignes cassés (voir article dans ce blog), à cette exception près que les rôles sont désormais inversés. Cette fois, les apparences condamnent la jeune fille, et une nouvelle fois, elles décident du verdict puisque Marion est renvoyée. Pour dramatiser les conséquences de son méfait, Rousseau imagine le triste destin de Marion : "Qui sait, à son âge, où le découragement de l'innocence avilie a pu la porter ?" Puis, sans transition, il évoque son propre cas : "l'on ne trouvera sûrement pas que j'aie ici pallié la noirceur de mon forfait". Très vite, enfin, il se fait son propre avocat : "si l'on m'eût laissé revenir à moi-même, j'aurais infailliblement tout déclaré." En somme, les véritables responsables, ce sont ceux qui se sont fondés sur les seules apparences pour prendre leur décision ! D'ailleurs, et Rousseau achève le livre II sur ces propos, ce crime aura eu une autre conséquence, plus décisive encore : "Il m'a même fait ce bien de me garantir pour le reste de ma vie de tout acte tendant au crime, par l'impression terrible qui m'est restée du seul que j'aie jamais commis."
Ce récit est effectivement décisif dans l'entreprise apologétique de Rousseau : 
-il prouve tout d'abord au lecteur que la promesse du tout dire, annoncée dans le préambule ("voici ce que j'ai fait"), est effectivement respectée par l'auteur. S'il raconte un tel forfait, on peut être sûr qu'il racontera tout...
-s'il s'agit du "seul" crime jamais commis, c'est que l'abandon des enfants n'en est pas un. D'ailleurs, Rousseau n'y consacrera que quelques pages aux livres VII et VIII.

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