mercredi 12 février 2014

Marion Sigaut sur le plan d'éducation nationale de Lepeletier (2)



l'intervention de Marion Sigaut

Comme l'explique admirablement François Furet dans la Révolution Française, c'est en réalité sous Thermidor puis sous le Directoire que notre système éducatif va être recréé. Le plan du Montagnard Le Peletier, présenté par Marion Sigaut comme LA référence absolue des Républicains, fut en réalité très vivement contesté par les Révolutionnaires eux-mêmes, et ce dès 1793.
En octobre 1795, c'est donc la loi Daunou qui pose les principes sur lesquels le Directoire va déployer ce système d'éducation et d'instruction publique.
Pierre Daunou

Dans les faits, le primaire y apparaît largement sacrifié, et on ne fait plus mention (comme c'était le cas en 93) d'une quelconque obligation scolaire. "On enseignera à lire, à écrire, à calculer", on y découvrira la "morale républicaine", explique Daunou de manière très laconique. La loi précise qu'il y aura une ou plusieurs écoles par canton, sans en préciser le nombre. L'enseignement n'est plus gratuit, comme l'exigeait la Convention. L'instituteur sera rémunéré grâce à une rétribution versée par les élèves, certains d'entre eux pouvant être exemptés pour "cause d'indigence". La tâche de créer ces écoles incombe aux municipalités et non à l'Etat. La liberté d'éducation étant inscrite dans la constitution, on verra bientôt apparaître une instruction parallèle, confiée à d'anciens prêtres réfractaires devenus concurrents de l'instituteur public.

Les thermidoriens vont consacrer davantage d'intérêt au secondaire, avec la création d'écoles centrales (une par département, ce qui est relativement modeste), constituées en trois niveaux D'abord le dessin, l'histoire naturelle, les langues (12 à 14 ans) ; puis, les sciences (14 à 16 ans) ; enfin, la grammaire générale, les lettres, l'histoire, la législation). De toute évidence, l'esprit révolutionnaire souffle sur ces programmes puisque la laïcité, les sciences et la suprématie du français sur les langues anciennes y seront nettement soulignées. Par rapport aux écoles d'Ancien Régime, la fréquentation apparaît cependant en nette diminution.

Dominant l'édifice des connaissances, l'Institut constitue enfin le pouvoir spirituel de ce nouveau régime. C'est lui qui donne vie à tous ces établissements supérieurs aujourd'hui prestigieux: le conservatoire des Arts et Métiers, l'Ecole des services publics pour l'Armée, la Marine, les Ponts-Et-Chaussées (notre Polytechnique !), les écoles de médecine de Lyon, Paris, Montpellier, l'Ecole Normale Supérieure, l'Ecole des langues orientales...
Cette loi Daunou restera en vigueur jusqu'en 1802.
Bonne ou mauvaise, et quoi qu'en dise Marion Sigaut, voilà donc l'école dont a hérité la France Révolutionnaire. De celle-là, et de nulle autre...


 Vous trouverez ci-dessous le texte de loi présenté par Daunou
« Loi SUR L'ORGANISATION DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE,
« TITRE Ier. — Ecoles primaires.
« ARTICLE PREMIER. — Il sera établi dans chaque canton de la République une ou plusieurs écoles primaires, dont les arrondissements seront déterminés par les administrations de département.
« ART. 2. — Il sera établi clans chaque département plusieurs jurys d'instruction ; le nombre de ces jurys sera de dix au plus, et chacun sera composé de trois membres nommés par l'administration départementale.
« ART. 3. — Les instituteurs primaires seront examinés par l'un des jurys d'instruction : et, sur la présentation des administrations municipales, ils seront nommés par les administrations de département.
« ART. 4. — Ils ne pourront être destitués que par le concours des mêmes administrations, de l'avis d'un jury d'instruction, et après avoir été entendus.
« ART. 5. — Dans chaque école primaire on enseignera à lire, à écrire, à calculer, et les éléments de la morale républicaine.
« ART. 6. — Il sera fourni par la République, à chaque instituteur primaire, un local, tant pour lui servir de logement que pour recevoir les élèves pendant la durée des leçons.
« Il sera également fourni à chaque instituteur le jardin qui se trouverait attenant à ce local.
« Lorsque les administrations de département le jugeront plus convenable, il sera alloué à l'instituteur une somme annuelle, pour lui tenir lieu du logement et du jardin susdits.
« ART. 7. — Ils pourront, ainsi que les professeurs des écoles centrales et spéciales, cumuler traitements et pensions.
« ART. 8. — Les instituteurs primaires recevront de chacun de leurs élèves une rétribution annuelle qui sera fixée par l'administration de département.
« ART. 9. — L'administration municipale pourra exempter de cette rétribution un quart des élèves de chaque école primaire, pour cause d'indigence.
« ART. 10. — Les règlements relatifs au régime des écoles primaires seront arrêtés par les administrations de département, et soumis à l'approbation du Directoire exécutif.
« ART. 11. — Les administrations municipales surveilleront immédiatement les écoles primaires, et y maintiendront l'exécution des lois et des arrêtés des administrations supérieures. 
« TITRE II. — Ecoles centrales.
« ARTICLE PREMIER. — Il sera établi une école centrale dans chaque département de la République.'
« ART. 2. — L'enseignement y sera divisé en trois sections :
« Il y aura dans la première section :
« 1° Un professeur de dessin ;
« 2° Un professeur d'histoire naturelle ;
« 3° Un professeur de langues anciennes ;
« 4° Un professeur de langues vivantes, lorsque les administrations de département le jugeront convenable, et qu'elles auront obtenu à cet égard l'autorisation du Corps législatif.
« Il y aura dans la deuxième section :
« 1° Un professeur d'éléments de mathématiques ;
« 2° Un professeur de physique et de chimie expérimentales.
« Il y aura dans la troisième section :
« 1° Un professeur de grammaire générale ;
« 2° Un professeur de belles-lettres ;
« 3° Un professeur d'histoire ;
« 4° Un professeur de législation.
« ART. 3. — Les élèves ne seront admis aux cours de la première section qu'après l'âge de douze ans ;
« Aux cours de la seconde, qu'à l'âge de quatorze ans accomplis ;
« Aux cours de la troisième, qu'à l'âge de seize ans au moins.
« ART. 4. — Il y aura près de chaque école centrale une bibliothèque publique, un jardin et un cabinet d'histoire naturelle, un cabinet de chimie et physique expérimentale.
« ART. 5. — Les professeurs des écoles centrales seront examinés et élus par un jury d'instruction. Les élections faites par le jury seront soumises à l'approbation de l'administration du département.
« ART. 6. — Les professeurs des écoles centrales ne pourront être destitués que par un arrêté des mêmes administrations, de l'avis du jury d'instruction, et après avoir été entendus. L'arrêté de destitution n'aura son effet qu'après avoir été confirmé par le Directoire exécutif.
« ART. 7. — Le salaire annuel et fixe de chaque professeur est le même que celui d'un administrateur de département. Il sera de plus réparti entre les professeurs le produit d'une rétribution annuelle, qui sera déterminée par l'administration de département, mais qui ne pourra excéder vingt-cinq livres pour chaque élève.
« ART. 8. — Pourra néanmoins l'administration de département excepter de cette rétribution un quart des élèves de chaque section, pour cause d'indigence.
« ART. 9. — Les autres règlements relatifs aux écoles centrales seront arrêtés par les administrations de département, et confirmés par le Directoire exécutif.
« ART. 10. — Les communes qui possédaient des établissements d'instruction connus sous le nom de collèges, et dans lesquelles il ne sera pas placé d'école centrale, pourront conserver les locaux qui étaient affectés auxdits collèges, pour y organiser à leurs frais des écoles centrales supplémentaires.
« ART. 11. — Sur la demande des citoyens desdites communes, et sur les plans proposés par leurs administrations municipales, et approuvés par les administrateurs de département, l'organisation des écoles centrales supplémentaires, et les modes de la contribution nécessaire à leur entretien, seront décrétés par le Corps législatif.
« ART. 12. — L'organisation des écoles centrales supplémentaires sera rapprochée, autant que les localités le permettront, du plan commun des écoles centrales instituées par la présente loi.
« TITRE III. — Des écoles spéciales.
« ARTICLE PREMIER. — II y aura dans la République des écoles spécialement destinées à l'étude : 1° De l'astronomie ; 2° De la géométrie et de la mécanique ; 3° De l'histoire naturelle ; 4° De la médecine ; 5° De l'art vétérinaire ; 6° De l'économie rurale ; 7° Des antiquités ; 8° Des sciences politiques ; 9° De la peinture, de la sculpture et de l'architecture ; 10° De la musique.
« ART. 2. — Il y aura de plus des écoles pour les sourds-muets et pour les aveugles-nés.
« ART. 3. — Le nombre et l'organisation de chacune de ces écoles seront déterminés par des lois particulières, sur le rapport du Comité d'instruction publique.
« ART. 4. — Ne sont point comprises parmi les écoles mentionnées dans l'article 1er du présent titre, les écoles relatives à l'artillerie, au génie militaire et civil, à la marine et aux autres services publics, lesquelles seront maintenues telles qu'elles existent, ou établies par des décrets particuliers.
« TITRE IV. — Institut national des sciences et des arts.
« ARTICLE PREMIER. — L'Institut national des sciences et des arts appartient à toute la République ; il est fixé à Paris ; il est destiné : 1° à perfectionner les sciences et les arts par des recherches non interrompues, par la publication des découvertes, par la correspondance avec les sociétés savantes étrangères ; 2° à suivre, conformément aux lois et arrêtés du Directoire exécutif, les travaux scientifiques et littéraires qui auront pour objet l'utilité générale et la gloire de la République.
« ART. 2. — Il est composé de membres résidant à Paris, et d'un égal nombre d'associés répandus dans les différentes parties de la République. 11 s'associe des savants étrangers, dont le nombre est de vingt-quatre, huit pour chacune des trois classes.
« ART. 3. — Il est divisé en trois classes, et chaque classe en plusieurs sections, conformément au tableau suivant. »
(Pour ce tableau, et pour le texte des neuf autres articles du titre IV, qui traitent de l'organisation intérieure de l'Institut, Voir l'article Institut national.)
« TITRE V, — Encouragements, récompenses et honneurs publics.
« ARTICLE PREMIER. — L'Institut national nommera tous les ans, au concours, vingt citoyens, qui seront chargés de voyager et de faire des observations relatives à l'agriculture, tant dans les départements de la République que dans les pays étrangers.
« ART. 2. — Ne pourront être admis au concours mentionné dans l'article précédent que ceux qui réuniront les conditions suivantes: 1° être âgé de vingt-cinq ans au moins ; 2° être propriétaire ou fils de propriétaire d'un domaine rural formant un corps d'exploitation, ou fermier ou fils de fermier d'un corps de ferme d'une ou de plusieurs charrues, par bail de trente ans au moins ; 3° savoir la théorie et la pratique des principales opérations de l'agriculture ; 4° avoir des connaissances en arithmétique, en géométrie élémentaire, en économie politique, en histoire naturelle en général, mais particulièrement en botanique et en minéralogie.
« ART. 3. — Les citoyens nommés par l'Institut national voyageront pendant trois ans aux frais de la République, et moyennant un traitement que le Corps législatif déterminera.
« Ils tiendront un journal de leurs observations, correspondront avec l'Institut, et lui enverront, tous les trois mois, les résultats de leurs travaux, qui seront rendus publics. « Les sujets nommés seront successivement pris dans chacun des départements de la République.
« ART. 4. — L'Institut national nommera tous les ans six de ses membres pour voyager, soit ensemble, soit séparément, pour faire des recherches sur les diverses branches des connaissances humaines autres que l'agriculture.
« ART. 5. — Le palais national à Rome, destiné jusqu'ici à des élèves français de peinture, sculpture et architecture, conservera cette destination.
« ART. 6. — Cet établissement sera dirigé par un peintre français ayant séjourné en Italie, lequel sera nommé par le Directoire exécutif pour six ans.
« ART. 7. — Les artistes français désignés à cet effet par l'Institut, et nommés par le Directoire exécutif, seront envoyés à Rome. Ils y résideront cinq ans dans le palais national, où ils seront logés et nourris aux frais de la République, comme par le passé ; ils seront indemnisés de leurs frais de voyage.
« ART. 8. — La section accorde à vingt élèves clans chacune des écoles mentionnées dans les titres II et III de la présente loi des pensions temporaires, dont le maximum sera déterminé chaque année par le Corps législatif.
« Les élèves auxquels ces pensions devront être appliquées seront nommés par le Directoire exécutif, sur la présentation des professeurs et des administrations de département.
« ART. 9. — Les instituteurs et professeurs publics établis par la présente loi, qui auront rempli leurs fonctions durant vingt-cinq années, recevront une pension de retraite égale à leur traitement fixe.
« ART. 10. — L'Institut national, dans ses séances publiques, distribuera chaque année plusieurs prix.
« ART. 11. — Il sera, dans les fêtes publiques, décerné des récompenses aux élèves qui se seront distingués dans les écoles nationales.
« ART. 12. — Des récompenses seront également décernées, dans les mêmes fêles, aux inventions et découvertes utiles, aux succès distingués dans les arts, aux belles actions, et à la pratique constante des vertus domestiques et sociales.
« ART. 13. — Le Corps législatif décerne les honneurs du Panthéon aux grands hommes dix ans après leur mort.
TITRE VI. — Des fêtes nationales.
« ARTICLE PREMIER. — Dans chaque canton de la République, il sera célébré, chaque année, sept fêtes nationales, savoir :
« Celle de la Fondation de la République, le 1er vendémiaire ;
« Celle de la Jeunesse, le 10 germinal ;
« Celle des Epoux, le 10 floréal ; « Celle de la Reconnaissance, le 10 prairial ;
« Celle de l'Agriculture, le 10 messidor ;
« Celle de la Liberté, les 9 et 10 thermidor ;
« Celle des Vieillards, le 40 fructidor.
« ART. 2. — La célébration des fêtes nationales de canton consiste: en chants patriotiques ; en discours sur la morale du citoyen ; en banquets fraternels: en divers jeux publics propres à chaque localité ; et dans la distribution des récompenses.
« ART. 3. — L'ordonnance des fêtes nationales en chaque canton est arrêtée et annoncée à l'avance par les administrations municipales.
« ART. 4. — Le Corps législatif décrète, chaque année, deux mois à l'avance, l'ordre et le mode suivant lesquels la fête du 1" vendémiaire doit être célébrée dans la commune où il réside. »
Après le vote de ce décret la Convention vota un décret relatif aux écoles de filles, ainsi conçu :
« ARTICLE PREMIER. — Chaque école primaire sera divisée en deux sections, une pour les garçons, l'autre pour les filles. En conséquence, il y aura un instituteur et une institutrice.
« ART. 2. — Les filles apprendront à lire, écrire, compter, les éléments de la morale républicaine ; elles seront formées aux travaux manuels de différentes espèces utiles et communes. »
Enfin rassemblée vota encore un décret relatif au placement des écoles centrales. Ce décret modifiait, dans douze départements, le siège de l'école ; il confirmait l'installation de cinq écoles centrales à Paris ; et il stipulait que, pour la Belgique et les autres pays réunis à la République française, les écoles centrales seraient placées dans les chefs-lieux de département.

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