samedi 14 novembre 2015

Article "Fanatisme" du Dictionnaire Philosophique


Voltaire n'a jamais été aussi actuel, hélas... 

unes du 14/11/2015
 

On entend aujourd’hui par fanatisme une folie religieuse, sombre et cruelle. C’est une maladie de l’esprit qui se gagne comme la petite-vérole. Les livres la communiquent beaucoup moins que les assemblées et les discours. On s’échauffe rarement en lisant : car alors on peut avoir le sens rassis. Mais quand un homme ardent et d’une imagination forte parle à des imaginations faibles, ses yeux sont en feu, et ce feu se communique ; ses tons, ses gestes, ébranlent tous les nerfs des auditeurs. Il crie : Dieu vous regarde, sacrifiez ce qui n’est qu’humain ; combattez les combats du Seigneur ; et on va combattre.
Le fanatisme est à la superstition ce que le transport est à la fièvre, ce que la rage est à la colère.
Celui qui a des extases, des visions, qui prend des songes pour des réalités, et ses imaginations pour des prophéties, est un fanatique novice qui donne de grandes espérances : il pourra bientôt tuer pour l’amour de Dieu. (…)
Les lois sont encore très impuissantes contre ces accès de rage : c’est comme si vous lisiez un arrêt du conseil à un frénétique. Ces gens-là sont persuadés que l’esprit saint qui les pénètre est au-dessus des lois, que leur enthousiasme est la seule loi qu’ils doivent entendre.
Ah, Voltaire... aujourd'hui, tu pleurerais
(…) Que répondre à un homme qui vous dit qu’il aime mieux obéir à Dieu qu’aux hommes, et qui en conséquence est sûr de mériter le ciel en vous égorgeant ?
Lorsqu’une fois le fanatisme a gangrené un cerveau, la maladie est presque incurable. J’ai vu des convulsionnaires qui, en parlant des miracles de saint Pâris, s’échauffaient par degrés parmi eux ; leurs yeux s’enflammaient, tout leur corps tremblait, la fureur défigurait leur visage, et ils auraient tué quiconque les eût contredits.
(…) Ce sont presque toujours les fripons qui conduisent les fanatiques, et qui mettent le poignard entre leurs mains ; ils ressemblent à ce Vieux de la montagne qui faisait, dit-on, goûter les joies du paradis à des imbéciles, et qui leur promettait une éternité de ces plaisirs dont il leur avait donné un avant-goût, à condition qu’ils iraient assassiner tous ceux qu’il leur nommerait...

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