jeudi 7 mai 2015

Marion Sigaut sur Calas et Voltaire



Au fond, si Voltaire agace les bigots, c'est parce qu'ils lui en veulent de s'être si souvent moqué des miracles, des superstitions, de ces "trois qui ne font qu'un", de cet "un seul qui fait trois", de cette hydre fanatique dont les têtes n'ont jamais cessé de repousser depuis 1789 (voir ici et cela date de janvier 2015 !)  Dans la postface de son excellent Diderot, la romancière Sophie Chauveau expliquait fort justement que "tous les réactionnaires considèrent que Voltaire a détruit l'autel mais préservé le trône". On ne saurait mieux dire... C'est cette rancoeur qui, 250 ans plus tard, continue d'animer les polémistes révisionnistes (je n'aime pas le terme) dont l'inénarrable Marion Sigaut fait partie.
Au cours de cette intervention consacrée à l'affaire Calas, l'historienne s'en prend une fois encore au patriarche de Ferney, qualifié dès le préambule de "négrier", d'"antisémite" et de "franc-maçon". N'en jetez plus, la cour est pleine ! dirait le plus venimeux des anti-voltairiens. Mais Marion Sigaut va plus loin, accusant bientôt Voltaire d'avoir été un traître à la France ("il roule pour l'étranger", "il roule pour la banque protestante" éructe-t-elle à plusieurs reprises)! 
Les raisons de ce crime de haute trahison ? Marion Sigaut n'en trouve aucune... La durée de la conférence étant limitée, "on ne peut pas tout dire", s'excuse-t-elle pour botter en touche.
Mais alors des preuves ? On devrait en trouver certaines traces dans la correspondance, non ? Hélas pour nous, Condorcet et Beaumarchais sont passés par là, et ils ont tout fait disparaître... Il faudra donc se contenter de la parole de l'historienne...
"ça décoiffe de connaître la vérité sur Voltaire", nous dit Marion Sigaut

Marion Sigaut avance néanmoins quelques "pièces à conviction" :

1- En pleine guerre de 7 ans, Voltaire a reçu aux Délices deux pairs du Royaume, Villars et Richelieu, pour faire état de ses négociations personnelles avec l'ennemi... Diable, le voilà devenu diplomate ! A n'en point douter, le poète aurait adoré d'être investi d'une telle mission. Epris de théâtre et de romanesque, l'homme a incarné tant de personnages sur les planches et dans la vie ! D'ailleurs, on trouve effectivement dans sa correspondance quelques appels de pied qui prouvent qu'une telle mission l'aurait honoré. Sauf que Versailles n'y donna jamais suite... Mais alors, Villars et Richelieu ? En fait, des amis de quarante ans, auxquels il s'était lié sous la Régence et qui lui sont restés fidèles à l'instar des vieux compagnons de Louis-le-Grand, d'Argental et les frères d'Argenson.
D'ailleurs, à qui s'adressa-t-il en priorité durant les mois qui suivirent l'exécution de Calas ? à ses amis proches (Damilaville, d'Alembert) bien sûr, ainsi qu'à ceux susceptibles de l'aider dans son entreprise de révision du procès (d'Argental, le cardinal de Bernis). 
2- Autre "pièce à conviction" : en pleine guerre de 7 ans, Voltaire était en correspondance avec des protestants genevois, dont il relayait les plaintes et les doléances. Comment ? Le châtelain de Ferney aurait cherché des soutiens auprès de ses voisins genevois ? Voilà qui est édifiant ! Surtout lorsqu'on se souvient des difficultés qu'il avait alors à se faire entendre par ses amis parisiens... Voyez en effet ce qu'il écrivait au même moment à son grand ami d'Argental, l'un de ses rares appuis à Versailles :
"mais si c’est (il parle de la veuve Calas), comme je le crois, la plus vertueuse et la plus malheureuse femme du monde, au nom du genre humain, protégez-la. Que M. le comte de Choiseul (qui était alors le premier des ministres) daigne l’écouter. Je lui fais tenir un petit papier qui sera son passeport pour être admise chez vous; ce papier contient ces mots: « La personne en question vient se présenter chez M. d’Argental, conseiller d’honneur du parlement, envoyé de Parme " (juin 1763)
Comme Paris restait sourd, Voltaire s'est adressé à tous ceux qui voulaient l'entendre. Et ils étaient nombreux en Europe, protestants et catholiques confondus, à écouter ce qu'il avait à dire !

Concernant cette affaire, Marion Sigaut avance que le procès toulousain a été mené dans les règles (on a déjà montré que non: voir ici) et elle n'hésite pas à prétendre que Calas était coupable du crime pour lequel il a été mis à mort... Une hypothèse que tant d'autres avant elle ont tenté d'explorer. Sans succès... Mais Marion Sigaut ose tout. C'est d'ailleurs à cela qu'on la reconnaît...
 
C'est bien ainsi qu'est mort Calas !

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