lundi 23 novembre 2015

Obscurantisme à Marseille

On reparle beaucoup, aujourd'hui, du nécessaire combat de la Raison contre l'obscurantisme religieux.
Au moment d'interroger le siècle des Lumières, mes élèves me demandent eux aussi de donner corps à cette notion fourre-tout dont les médias nous ont tant rebattu les oreilles depuis le mois de janvier 2015.
Comment leur répondre sinon en les confrontant à leur tour à l'inacceptable ?
On a déjà évoqué le débat théologique qui a suivi le tremblement de terre de Lisbonne (ici), puis la question de répression de l'homosexualité sous l'Ancien Régime (ici), et encore l'affreuse mise à mort de ce chenapan de La Barre (ici)... 
Intéressons-nous aujourd'hui à un épisode funeste de notre histoire, à cette peste qui ravagea Marseille en 1720 et provoqua la mort de 35 à 40000 de ses habitants.
Intéressons-nous notamment aux premiers mandements et ordonnances de Mgr de Belsunce, l'évêque de la ville, donnés peu après la déclaration de l'état de peste (fin juin- début juillet).


Voici un extrait de la première ordonnance, en date du 15 juillet 1720 : "Nous ordonnons à tous les prêtres de notre diocèse (...) de dire désormais chaque jour à leur messe, et jusqu'à nouvel ordre, l'oraison de St-Roch (...) Nous ordonnons aussi à toutes les religieuses de cette ville (...) de communier jeudi et dimanche prochain (...) Nous recommandons enfin à tous Curés et Prêtres desservant les églises de ce diocèse d'exhorter les fidèles à retourner à Dieu par une prompte et sincère pénitence, et par une entière et parfaite soumission d'esprit et de coeur aux sacrées décisions de l'église ; moyen sûr et unique d'arrêter le bras d'un Dieu irrité, qui nous menace, qui nous châtie depuis longtemps, et qui est peut-être prêt à frapper de nouveaux et plus rudes coups."
  Le 2nd mandement, daté du 30 juillet, apparaît encore plus inconséquent (j'allais dire criminel...).
"... ne faisant point de procession générale dans cette occasion, pour éviter une dangereuse communication, nous avons ordonné et ordonnons que dans toutes les églises de cette ville, immédiatement après la grand'messe, ou après la dernière dans les églises ou on n'en chante pas, on dira pendant neuf jours consécutifs, et à genoux, l'Antienne, Verset et Oraison de St-Roch, pour obtenir du Seigneur, par l'intercession de ce grand Saint, la cessation d'un fléau aussi terrible (...) Nous exhortons tous les fidèles de notre diocèse, de l'un et l'autre sexe,  à se confesser et à communier, accordant quarante jours d'indulgence à toutes les personnes qui le feront (...)"
Et de se montrer plus vindicatif encore trois mois plus tard :
"Malheur à vous et à nous, mes Très Chers Frères, si tout ce que nous voyons, si tout ce que nous éprouvons depuis si longtemps de la colère d'un Dieu vengeur du crime, n'est pas encore capable, dans ces jours de mortalité, de nous faire rentrer en nous-mêmes (...) de nous porter enfin à avoir recours à la miséricorde du Seigneur, dont la main, en s'appesantissant si terriblement sur nous, nous montre en même temps la grâce qu'il ne veut accorder qu'à la sincérité de notre pénitence !(...) Et nous qui ne sommes peut-être pas moins coupables (sic) que ceux de nos Frères sur lesquels le Seigneur vient d'exercer ses plus redoutables vengeances, nous pourrions être tranquille, ne rien craindre pour nous-même, et ne pas faire tous nos efforts, pour tâcher, par une prompte pénitence, d'échapper au glaive de l'Ange exterminateur?"
Des prières, des messes et des processions pour combattre la peste... Voilà, en dépit du bon sens le plus élémentaire, ce que préconisa ce très vénérable évêque... Et que recommandait le bon sens ? L'article Peste de l'Encyclopédie l'exprime en peu de mots.  Hélas, Jaucourt (l'auteur de l'article) n'était pas évêque, et encore moins en charge de l'évêché de Marseille...

 
Rendons toutefois cette justice à Mgr de Belsunce. En cette fin d'année 1720, bon nombre d'hommes d'église choisirent de fuir la ville et d'abandonner la population à son triste sort. Lui, du moins, demeura jusqu'au bout au côté de ses paroissiens.
Quatre siècles plus tard, sa statue orne encore le parvis de la cathédrale de Marseille.


NB : au moment de publier cet article, on m'informe de la réaction du Père Hervé Benoît (prêtre à la Basilique de Foruvière) au massacre du Bataclan. Je reproduis ci-dessous, sans le commenter ni corriger, un large extrait de son hallucinante diatribe.

Je vais allez plus loin. Tant pis pour les lecteurs sensibles. Regardez les photos des spectateurs quelques instants avant le drame. Ces pauvres enfants de la génération bobo, en transe extatique, « jeunes, festifs, ouverts, cosmopolites… » comme dit le “quotidien de révérence”. Mais ce sont des morts-vivants. Leurs assassins, ces zombis-haschishin, sont leurs frères siamois. Mais comment ne pas le voir ? C’est tellement évident ! Même déracinement, même amnésie, même infantilisme, même inculture… Les uns se gavaient de valeurs chrétiennes devenues folles : tolérance, relativisme, universalisme, hédonisme… Les autres, de valeurs musulmanes devenues encore plus folles au contact de la modernité : intolérance, dogmatisme, cosmopolitisme de la haine… Les uns portent le maillot du PSG – « Fly Emirates » en effaçant le berceau de Louis XIV, et les autres profitent du même argent pour se faire offrir un costume en bombes. Une minute avant leur mort, les uns et les autres étaient penchés sur leurs smartphones, comme accrochés au sein de leur nourrice. Ce n’est pas le retour du Moyen Âge, contrairement à ce que disent les crétins, c’est la postmodernité dans toute son absurdité. Le drame de l’humanisme athée, qui aime le diable, la mort, la violence, et qui le dit… et qui en meurt ! Le signe de la mort et du chaos ne flotte pas que sur les rues de Paris, un vendredi soir maudit. 130 morts, c’est affreux ! Et 600 morts, c’est quoi ? C’est le chiffre des avortements en France le même jour (Ministère de la Santé – merci Orwell !). Où est l’horreur, la vraie ?


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