La révolution en France commença
plutôt bien lorsque l’extraordinaire crise - principalement financière car il y
avait une dette impressionnante - conduisit le roi Louis XVI à convoquer son
conseil élargi, les États généraux. La consultation fut faite à un suffrage
fort ouvert puisque les députés étaient élus, dans les campagnes, par tous les
chefs de feu (chef de maison). Et il y avait beaucoup de chefs de feu qui
étaient des femmes et qui participèrent à l’élection. Le roi pensait limiter
son grand conseil à la question financière, mais tout de suite, les députés
posèrent tous les problèmes, et en premier lieu celui de la souveraineté. Comme
le roi s’entêtait, quelques députés osèrent penser sans l’aide du roi et même
contre lui et ils entraînèrent une partie de chacun des trois ordres, clergé,
noblesse et Tiers état, à opérer une révolution en se déclarant assemblée
nationale constituante et en jurant de ne pas se séparer avant d’avoir donné
une constitution au peuple français.
Ce fut dans cette effervescence
que se forma un club de députés qui prit le nom de Société des Amis de la
Constitution. Le nom, on le voit, correspondait à cette première action.
Les États généraux avaient été
réunis par le roi à Versailles et commencèrent le 5 mai 1789. La révolution
juridique qui transforma les États généraux en Assemblée nationale constituante
se fit les 17 et 20 juin suivants. Ce fut donc l’acte I de la révolution.
C’était bien d’avoir osé, mais le roi ne voulait rien entendre et se préparait
à faire arrêter les députés et à en finir avec cette cohue à Versailles. Ce fut
alors que se produisit l’acte II de la révolution sous la forme d’une immense
jacquerie comme on en avait jamais vu encore en France ou ailleurs. Cela
commença au début du mois de juillet 1789 et se termina à la fin du même mois,
trois semaines environ et le pays avait complètement changé ! Que s’était-il
passé?
Inquiets des nouvelles qui
arrivaient par les lettres de leurs députés, les paysans s’étaient pris en
mains et avaient décidé de dire clairement à la seigneurie qu’ils ne voulaient
plus du régime féodal avec sa hiérarchie, la justice du seigneur, les rentes à
payer et tous ces droits sur les routes, les ponts, les marchés et partout, les
confiscations des biens communaux dont les villages avaient besoin pour vivre,
bois interdits aux villageois, usages sur les communaux devenus payant etc…Eh
bien, tout cela allait changer. Les habitants s’étaient réunis sur la place du
village et avaient organisé des visites du château du seigneur pour lui dire, à
lui ou à son représentant, que c’était terminé et qu’ils ne payeraient plus les
rentes féodales. Et ils l’avaient fait. Des groupes de cent à deux cents
habitants, armés de leurs instruments de travail, arrivaient au château qui les
faisait entrer. Les habitants demandaient les titres de propriété du seigneur
et les brûlèrent. À la nuit tombante, le seigneur logea et nourrit les
habitants qui souvent dormirent sur place et s’en allèrent le lendemain.
Le plus étonnant fut de constater
que ces mêmes faits se reproduisirent dans tout le pays traversé par cette
jacquerie, soit plus des trois quarts du royaume. Et en même temps, les
institutions de la monarchie s’effondrèrent comme château de cartes, lorsque
les intendants disparurent, se terrant chez eux ou fuyant ! L’Assemblée était
sauvée par la jacquerie.
Cependant, de nombreux députés
prirent sérieusement peur devant ce mouvement populaire. Où allait-on si le
peuple s’en mêlait comme il l’avait aussi fait dans les villes et à Paris en
prenant le pouvoir local ? Les rentes féodales portaient sur la moitié des
terres cultivées environ : les seigneurs refusaient de perdre la moitié de leur
fortune. Il leur faudrait alors s’opposer au mouvement paysan.
La contre-révolution
seigneuriale, largement représentée dans l’Assemblée constituante, n’avait
cependant pas les coudées franches pour agir à la fin du mois de juillet 1789.
Il lui fallut composer et ce qui ressort des décrets de la Nuit du 4 août est
le résultat suivant. L’Assemblée réussit l’exploit de rendre hommage à
l’intervention populaire tout en lui retirant les fruits de sa victoire. En
effet, elle décréta d’un côté : « L’Assemblée détruit entièrement le régime
féodal », et de l’autre elle retint le principe du rachat des droits féodaux
que les paysans seraient contraints de faire pour se libérer. Ce rachat était
impossible aux paysans pauvres.
Elle dut encore accepter de
donner une Déclaration des droits de l’homme et du citoyen pour répondre aux
doléances du peuple.
La Déclaration des droits fut
votée le 26 août 1789. Ce texte condense la théorie politique de la révolution
qui se situe dans la tradition de la philosophie politique anglaise, et plus
précisément lockienne. Son préambule résume de façon saisissante les principes
des « républicains » de l’époque et ceux des droits de l’Humanité tels que
présentés précédemment.
Le principe de la souveraineté,
comme bien commun du peuple, en est le fondement. Les pouvoirs publics sont non
seulement séparés, mais aussi hiérarchisés, le législatif étant le pouvoir
suprême. Ce pouvoir législatif était formé de l’ensemble des textes de nature
constituante, comme l’était alors la Déclaration des droits, du corps
législatif formé des députés élus et enfin des pouvoirs des citoyens eux-mêmes
qui élisent les députés, contrôlent le respect des principes et disposent de ce
droit de résistance à l’oppression (art. 2), qui est une des caractéristiques
de la théorie politique de ces républicains.
L’article premier rappelle ce
birthright, ce premier droit de l’Humanité : « Les hommes naissent et demeurent
libres et égaux en droits. »
En conséquence des journées populaires
des 5 et 6 octobre 1789, le roi et l’Assemblée durent s’installer à Paris. La
Société des Amis de la Constitution se trouva un lieu de réunion rue
Saint-Honoré, dans un couvent des Dominicains surnommés Jacobins à cause du nom
de la rue Saint-Jacques où se trouvait la maison-mère. On disait alors pour la
désigner, la Société des Amis de la Constitution séante aux Jacobins. Ce furent
les adversaires de cette société qui créèrent ces dénominations alors
péjoratives, puis insultantes, de « Jacobins » et de « Jacobinisme ».
Ce fut donc sur le clivage qui
apparut à la suite de l’insurrection populaire de juillet 1789, appelée Grande
Peur, que l’Assemblée constituante se divisa en un « côté gauche » qui voulait
appliquer les principes de la révolution, c’est-à-dire ceux de la Déclaration
des droits, et un « côté droit » qui fit tous ses efforts pour l’en empêcher et
se débarrasser de ce texte.
La Société des Amis de la
Constitution qui regroupait les députés du « côté gauche » devint l’enjeu de
luttes acharnées car différents courants du « côté droit » voulurent en prendre
la direction et y parvinrent au début de l’année 1790 : le parti de Barnave
s’empara de la Société de Paris, mais ne réussit pas en province. On peut voir
les progrès du parti de Barnave à l’Assemblée comme à la Société depuis 1790
jusqu’au printemps 1791. La Constitution contre-révolutionnaire de 1791 en fut
le résultat.
(à suivre ici)
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