Ce fut le curé de la paroisse St-Médard à Paris qui dénonça pour la première fois Diderot aux autorités de police. Nous sommes alors en juin 1747 et son billet, adressé au lieutenant de police Perrault, est tourné comme suit :
« Diderot, homme sans qualité, demeurant avec sa femme, chez le sieur Guillotte,
exempt du prévost de l'île, est un jeune homme qui fait le bel esprit et
trophée d'impiété. Il est auteur de plusieurs livres de philosophie, où il
attaque la religion. Ses discours, dans la conversation, sont semblables à ses
ouvrages. Il en compose un actuellement fort dangereux. Il s'est vanté d'en
avoir composé un qui a été condamné au feu par le parlement il y a deux ans. Le
sieur Guillotte n'ignore point la conduite et les sentiments de Diderot. Comme
il s'est marié à l'insu de son père, il n'ose retourner à Langres. »
Denis Diderot |
Le même mois, Perrault rend compte de la manière qui suit à Berryer, son supérieur :
Monsieur ,
« J'ai l'honneur de vous rendre compte qu'il m'a été donné
avis que le nommé Diderot est auteur d'un ouvrage que l'on m'a dit avoir pour
titre : Lettre ou amusement philosophique, qui fut condamné par le
parlement, il y a deux ans, à être brûlé en même temps qu'un autre ouvrage qui
avait pour titre: Lettre philosophique sur l'immortalité de l’âme. Ce
misérable Diderot est encore après à finir un ouvrage qu'il y a un an qu'il est
après, dans le même gout de ceux dont je viens d'avoir l'honneur de vous
parler. C'est un homme très dangereux, et qui parle des saints
mystères de notre religion avec mépris; qui corrompt les meurs et qui dit que,
lorsqu'il viendra au dernier moment de sa vie, faudra bien qu'il fasse comme
les autres, qu'il se confessera et qu'il recevra ce que nous appelons notre
Dieu, et s’il le fait, ce ne sera point par devoir, que ce ne sera que par rapport
à sa famille, de crainte qu'on ne leur reproche qu'il est mort sans religion.
L'on m'a assuré que l'on trouvera chez lui nombre de manuscrits imprimés dans
le même genre. Il demeure rue Mouftard, chez le sieur Guillotte, exempt
du prévost de Lisle, à main droite en montant , au premier.
« Perrault.
»
Dans un premier temps, Berryer se contente de relever :
"Je n'ai point de preuve qu'il soit l'auteur de l'ouvrage condamné par le Parlement, que le rapport de Perrault et la lettre du curé de St-Médard."
Désormais surveillé par les mouches de la police, Diderot n'en continue pas moins de narguer les autorités sans tenir compte du danger qui plane sur lui.
La fiche de police rédigée en janvier 1748 le définit comme "un garçon plein d'esprit, mais extrêmement dangereux. Auteur de livres contre le religion et les bonnes moeurs (...) Fait le bel esprit et se fait trophée d'impiété."
Berryer fait surveiller Diderot, et il accumule patiemment les preuves destinées à confondre le jeune insolent. C'est au début de juin 1749, avec la sortie (pourtant anonyme) de La lettre sur les aveugles que les événements vont se bousculer.
Le très chrétien et très charitable curé de St-Médard est une nouvelle fois le premier à dénoncer Diderot à la vindicte du ministre d'Argenson. Ses efforts vont cette fois porter leurs fruits....
prison de Vincennes |
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