Cette confession a porté ses fruits puisque le lieutenant général Berryer informe le marquis du Châtelet que Diderot
peut désormais sortir du donjon et circuler en toute liberté sur les terres du château : «
Sa Majesté voulait bien aussi, en considération du travail de libraire dont il
est chargé, permettre qu'il communiquât librement et sous les précautions
d'usage, par lettres ou de vive voix, dans le château, avec les personnes du
dehors qui y viendraient soit à cet effet ou pour ses affaires domestiques
(...) et que vous voudrez bien lui faire donner au château une ou deux chambres
commodes pour coucher et travailler, avec un lit et les autres ustensiles que
vous avez coutume de fournir aux prisonniers du donjon, et rien au-delà, sauf à
lui s'il veut de plus grandes commodités de se les procurer à ses dépens ».
le château de Vincennes |
A en croire sa fille Mme de Vandeul, ses conditions de détention apparaissent dès lors particulièrement adoucies :
Quelques lignes plus loin, elle ajoute même :
"il passa par-dessus les murs du parc, fut à Champigny, y vit
sa maîtresse avec son nouvel amant, revint, coucha dans le parc. Le lendemain
matin, il fut prévenir M. du Châtelet de son équipée, et cette petite aventure
accéléra sa rupture avec Mme de Puisieux..."
Pourtant, si Diderot est
autorisé à circuler librement au sein de l'enceinte du château, et même à
recevoir des visites (celle de Rousseau est mémorable, celles rendues
par sa maîtresse Mme de Puisieux fort cocasses), on ne lui accorde pas
encore le droit de rentrer à Paris pour y reprendre l'entreprise encyclopédique.
Au cours du mois de septembre, les libraires tentent à nouveau leur chance auprès du comte d'Argenson :
« Les libraires intéressés à l'édition de l'Encyclopédie,
pénétrés des bontés de votre grandeur, la remercient très humblement de
l'adoucissement qu'elle a bien voulu apporter à leurs peines en rendant au
sieur Diderot, leur éditeur, une partie de sa liberté. Ils sentent tout le prix
de cette grâce; mais si, comme ils croient pouvoir s'en flatter, l'intention de
votre grandeur, touchée de leur situation, a été de mettre le sieur Diderot en
état de travailler à l'Encyclopédie, ils prennent la liberté de lui
représenter très humblement que c'est une chose absolument impraticable: et,
fondés sur la persuasion dans laquelle ils sont que votre grandeur a la bonté
de s'intéresser à la publicité de cet ouvrage et aux risques qu'ils courraient d'être ruinés par un plus long
retard, ils mettent sous ses yeux
un détail vrai et circonstancié des raisons qui ne permettent pas
que le sieur Diderot continue à
Vincennes le travail de l’Encyclopédie. (…) Les libraires supplient Votre
Grandeur de vouloir bien se laisser
toucher de nouveau de l'embarras sérieux dans lequel les jette
l'éloignement du sieur Diderot
et de leur accorder son retour à Paris en
faveur de l'impossibilité où il est de travailler à Vincennes"
De son côté, Diderot fait une nouvelle fois amende honorable auprès de Berryer :
"Le sieur Diderot, détenu de l'ordre du Roi au château de Vincennes depuis le mois de juillet, demande sa liberté ; Observe qu'il est l'éditeur de l'Encyclopédie, ouvrage de longue haleine, qui comporte des détails infinis, auxquels il ne peut vaquer étant retenu prisonnier ; Promet de ne rien faire à l'avenir qui puisse être contraire en la moindre chose à la religion et aux bonnes mœurs. "
(à suivre)
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