L'un des articles les plus virulents de l'Encyclopédie : du même auteur, voir également l'article Théocratie (ici)
PRÊTRES, s. m. pl. (Religion & Politique.) on désigne sous ce
nom tous ceux qui remplissent les fonctions des cultes religieux
établis chez les différents peuples de la terre. (...)
Il est doux de dominer sur ses semblables ; les prêtres surent
mettre à profit la haute opinion qu’ils avaient fait naître dans
l’esprit de leurs concitoyens ; ils prétendirent que les dieux se
manifestaient à eux ; ils annoncèrent leurs décrets ; ils enseignèrent
des dogmes ; ils prescrivirent ce qu’il fallait croire et ce qu’il
fallait rejeter ; ils fixèrent ce qui plaisait ou déplaisait à la
divinité ; ils rendirent des oracles ; ils prédirent l’avenir à l’homme
inquiet et curieux, ils le firent trembler par la crainte des
châtiments dont les dieux irrités menaçaient les téméraires qui oseraient
douter de leur mission, ou discuter leur doctrine.
Pour établir plus surement leur empire, ils peignirent les dieux
comme cruels, vindicatifs, implacables ; ils introduisirent des
cérémonies, des initiations, des mystères, dont l’atrocité pût nourrir
dans les hommes cette sombre mélancolie, si favorable à l’empire du
fanatisme ; alors le sang humain coula à grands flots sur les autels ;
les peuples subjugués par la crainte, et enivrés de superstition, ne
crurent jamais payer trop chèrement la bienveillance céleste : les mères
livrèrent d’un œil sec leurs tendres enfants aux flammes dévorantes ;
des milliers de victimes humaines tombèrent sous le couteau des
sacrificateurs ; on se soumit à une multitude de pratiques frivoles et révoltantes, mais utiles pour les prêtres, et les superstitions les plus absurdes achevèrent d’étendre et d’affermir leur puissance.(...)
la St Barthélémy |
Il était difficile à des hommes si révérés de se tenir longtemps dans
les bornes de la subordination nécessaire au bon ordre de la société :
le sacerdoce enorgueilli de son pouvoir, disputa souvent les droits de
la royauté ; les souverains soumis eux-mêmes, ainsi que leurs sujets,
aux lois de la religion, ne furent point assez forts pour réclamer
contre les usurpations et la tyrannie de ses ministres ; le fanatisme et la superstition tinrent le couteau suspendu sur la tête des
monarques ; leur trône s’ébranla aussitôt qu’ils voulurent réprimer ou
punir des hommes sacrés, dont les intérêts étaient confondus avec ceux
de la divinité ; leur résister fut une révolte contre le ciel ; toucher à
leurs droits fut un sacrilège ; vouloir borner leur pouvoir, ce fut
saper les fondements de la religion. (...)
Les peuples eussent été trop heureux, si les prêtres de
l’imposture eussent seuls abusé du pouvoir que leur ministère leur
donnait sur les hommes ; malgré la soumission et la douceur, si
recommandée par l’Evangile, dans des siècles de ténèbres, on a vu des prêtres
du Dieu de paix arborer l’étendard de la révolte ; armer les mains des
sujets contre leurs souverains ; ordonner insolemment aux rois de
descendre du trône ; s’arroger le droit de rompre les liens sacrés qui
unissent les peuples à leurs maîtres ; traiter de tyrans les princes qui
s’opposaient à leurs entreprises audacieuses ; prétendre pour eux-mêmes
une indépendance chimérique des lois, faites pour obliger également
tous les citoyens. Ces vaines prétentions ont été cimentées quelquefois
par des flots de sang : elles se sont établies en raison de l’ignorance
des peuples, de la faiblesse des souverains, et de l’adresse des prêtres ;
ces derniers sont souvent parvenus à se maintenir dans leurs droits
usurpés ; dans les pays où l’affreuse inquisition est établie, elle
fournit des exemples fréquents de sacrifices humains, qui ne le cèdent en
rien à la barbarie de ceux des prêtres mexicains. Il n’en est point ainsi des contrées éclairées par les lumières de la raison et de la philosophie, le prêtre n’y oublie jamais qu’il est homme, sujet, et citoyen...
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