Les pourfendeurs des Lumières brandissent souvent cet article "Dimanche" comme une preuve de l'antihumanisme des philosophes. Marion Sigaut, que je citais dans le précédent article, leur reprochait un jour de vouloir instaurer le "travail gratuit" des paysans et autres ouvriers...
Si l'argument économique est effectivement mis en avant par l'Encyclopédie (on y avance le chiffre de 20 millions/an), l'historienne passe (une fois encore) à côté de l'essentiel...
Pour le comprendre, revenons quelque temps en arrière, et donnons la parole au camp adverse, à savoir les hommes d'Eglise.
***
Cent cinquante ans plus tôt, voici ce que disait le célèbre prêtre César de Bus (1544-1607) à propos du dimanche :
"les villes et les villages sont remplis de cette sorte de profanateurs du saint dimanche... qui vont... manger ou boire dans un cabaret tout ce qu'ils ont gagné dans la semaine à la sueur de leur visage ? Tandis que, peut-être, leur famille, n'a pas un morceau de pain... Combien y en a-t-il qui... tourmentent à leur retour une pauvre femme et des enfants, et par le désordre qu'ils causent, font de leur maison une véritable image de l'Enfer ?"
Combien trouve-t-on de textes de la sorte, qui tous condamnent la profanation du jour saint, autant à la ville qu'à la campagne, et qui enjoignent les fidèles d'observer ce temps de repos pour le consacrer à Dieu ?
Pour la seule ville de Paris, les archives de police regorgent de rapports faisant état de bagarres et de rixes au retour des guinguettes et autres débits de boisson.
Et les chroniqueurs de l'époque (d'Argenson, Marais) en disent tout autant...
Sans doute est-ce un crime, mais aux chants sacrés des matines et des vêpres, l'ouvrier du XVIIIè siècle semble préférer les gueulements dominicaux de ses compagnons de beuveries...
Et s'il ne s'agissait que du dimanche ! Car à ces 52 jours chômés, il faut ajouter un nombre incalculable de fêtes, jusqu'à 40 par an dans certains diocèses du royaume ! Ainsi, à la fin de l'Ancien Régime, Paris comptait encore 29 jours chômés en plus du dimanche ! A la Rochelle, l'ouvrier bénéficiait de 6 jours supplémentaires !
Et dire que certains remettent aujourd'hui en cause nos cinq semaines annuelles...
Et dire que certains remettent aujourd'hui en cause nos cinq semaines annuelles...
Si la question portant sur le nombre de jours chômés est devenue centrale au XVIIIè siècle, c'est que les autorités civiles et religieuses assistent d'une part à la désaffection progressive des lieux de culte, et d'autre part à une augmentation certaine de la violence populaire.
Mais alors, que faire ?
A cette question, l'Encyclopédie apporte évidemment sa réponse. On la connaît déjà : il faudrait réduire le nombre de fêtes car elles
"nuisent plus qu'on ne saurait dire à toutes sortes d'entreprises et de travaux, et qu'elles contribuent même à débaucher les ouvriers : elles leur fournissent de fréquentes occasions de s'enivrer " (extrait de l'article "fêtes" de l'Encyclopédie).
J'entends déjà les ricanements de certains : "les voilà démasqués, ces prétendus humanistes qui affirment oeuvrer pour le bien commun alors qu'en réalité, ils agissent pour le compte des puissances d'argent ! "
L'argument est a priori recevable. C'est d'ailleurs celui qu'avancent systématiquement les Anti-Lumières.
Et pourtant...
(à suivre ici)
"nuisent plus qu'on ne saurait dire à toutes sortes d'entreprises et de travaux, et qu'elles contribuent même à débaucher les ouvriers : elles leur fournissent de fréquentes occasions de s'enivrer " (extrait de l'article "fêtes" de l'Encyclopédie).
J'entends déjà les ricanements de certains : "les voilà démasqués, ces prétendus humanistes qui affirment oeuvrer pour le bien commun alors qu'en réalité, ils agissent pour le compte des puissances d'argent ! "
L'argument est a priori recevable. C'est d'ailleurs celui qu'avancent systématiquement les Anti-Lumières.
Et pourtant...
(à suivre ici)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Pour commenter cet article...