lundi 6 septembre 2010

Ce bon Voltaire...


Les premières passes d'armes entre Rousseau et Voltaire datent des années 1755-1756. Si Voltaire a accueilli le Discours sur l'origine de l'inégalité avec condescendance et humour (il invite Jean-Jacques à venir "brouter nos herbes"), il réagit plus vivement aux propos tenus par Rousseau sur le tremblement de terre de Lisbonne.
Dès lors, l'inimitié se transforme en haine, et pendant plus de 10 ans, Voltaire va s'acharner avec férocité sur son adversaire. Rappelons quelques-uns de ses propos : "on le regarde comme un fou ou comme un monstre", il "mériterait au moins le pilori", "on peut, sur le fumier où il est couché et où il grince des dents contre le genre humain, lui jeter du pain s'il en a besoin ; mais il a fallu le faire connaître, et mettre ceux qui peuvent le nourrir à l'abri de ses morsures", "cet archi-fou, qui aurait pu être quelque chose, s'il s'était laissé conduire" ; "un petit homme né dans la fange, pétri de tout l'orgueil de la sottise...". En 1766, le mot d'ordre qu'il lance à ses disciples philosophes est éloquent : "les sages qu'il a trompés pendant quelques années doivent s'assembler pour le dégrader".
Voilà l'objectif : discréditer Rousseau aux yeux de l'opinion, réduire la portée de ses textes en imposant l'idée qu'il est fou, presque monstrueux.
Voltaire montre l'exemple en diffusant à Genève le "Sentiment des Citoyens", petit pamphlet (anonyme, évidemment) dans lequel il révèle que Rousseau "fit mourir la mère" de Thérèse, qu'il a exposé ses enfants "à la porte d'un hôpital" et qu'il porte sur lui "les marques funestes de ses débauches".
Après 1766, l'objectif est atteint. Plus personne, à Paris, ne prend Rousseau au sérieux. Au mieux, ses derniers partisans éprouvent de la pitié à l'égard de cet homme rejeté par l'ensemble du groupe des Encyclopédistes. Il faudra attendre la Révolution, une vingtaine d'années plus tard, pour que le Genevois soit réhabilité.
Quant aux raisons de cet acharnement...
Rappelons un passage de l'Emile, lorsque Rousseau écrit : "si la vie et la mort de Socrate sont d'un sage, la vie et la mort de Jésus sont d'un Dieu". Comment Voltaire aurait-il pu pardonner cela, lui qui a consacré son existence à "écraser l'infâme" Eglise catholique ?
Et que devait-il penser des critiques adressées par Rousseau à ses anciens amis philosophes, lorsqu'il dénonçait leur complicité avec le pouvoir, leur enrichissement personnel ?
Rousseau, "philosophe des Lumières", prétendent les manuels scolaires ... S'il avait vraiment fait partie de la "clique" philosophique, son destin aurait-il été le même ?

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