mardi 21 septembre 2010

Rousseau, le subversif...

Si les révolutionnaires ont fait de Rousseau et de son Contrat Social l'une de leurs figures de proue, il faut bien reconnaître que cet ouvrage a causé peu de bruit lors de sa sortie en 1762. Ce n'est d'ailleurs pas cet essai que la Sorbonne et le Parlement vont condamner puis brûler en place publique, mais l'Emile, son ouvrage sur l'éducation.
Que dit Rousseau dans le Contrat Social ? Il proclame que le peuple est souverain, et que cette souveraineté est l'exercice de la volonté générale. Celle-ci n'est pas la somme des volontés particulières, guidées par des intérêts personnels, mais elle est dictée par l'intérêt général (ce qui implique l'existence de citoyens avertis et responsables).
Bon... Rien de bien nouveau dans tout cela. D'autres soutiennent cette même thèse, et depuis bien longtemps: le Hollandais Grotius, l'Anglais Hobbes, et même certains théologiens protestants tels que Jurieu...
Non, le caractère subversif du Contrat Social apparaît dans l'affirmation suivante : "A l'instant qu'un peuple se donne des représentants, il n'est plus libre." En somme, la souveraineté de ce peuple est inaliénable, elle ne peut se transmettre à personne : ni à Dieu, ni à un roi, ni à un parlement, ni à des soviets (pour faire référence à une actualité plus récente), ni à qui que ce soit.
Tous les démocrates se prétendant héritiers de Rousseau sont donc condamnés à le trahir. Car dans les faits, le peuple n'est jamais souverain, il délègue ses pouvoirs.
Aux yeux de Rousseau, c'est le pouvoir législatif qui doit échoir au peuple. Mais qui doit faire les lois, puisque, si "le peuple veut toujours le bien... il ne le voit pas toujours"? Là, Rousseau se livre à une pirouette en faisant appel à l'être d'exception, celui qui rédigera des lois conformes à la volonté générale.
Quant aux gouvernements, s'ils sont nécessaires, c'est uniquement pour appliquer ces mêmes lois, c'est-à-dire pour assumer le pouvoir exécutif.
Rousseau envisage ensuite les différents types de gouvernement : aristocratie, monarchie, démocratie... Et il conclut en prétendant qu'aucun n'est idéal, et qu'il faut choisir celui qui fera prospérer le peuple...
Au passage, il égratigne évidemment la transmission héréditaire du pouvoir et souligne que toute forme de gouvernement tend à dégénérer...
En somme, si les révolutionnaires se réclament de Rousseau, c'est à tort puisqu'il était hostile à toute forme de démocratie représentative. D'ailleurs, même si on lui a souvent fait dire le contraire, il s'opposait également à toute idée de sédition, ce qui laisse imaginer quel aurait été son regard sur les événements de la fin du siècle...

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