C'est lors du séjour de Rousseau à l'Ermitage de Montmorency (1756-1757) que la situation entre les deux hommes va s'envenimer. Il y a tout d'abord ce propos que Diderot insère dans sa pièce Le fils naturel, et qui vise Rousseau : il n'y a que le méchant qui soit seul. Après un échange aigre-doux, les choses semblent rentrer dans l'ordre. Pas pour longtemps. Lorsque Mme d'Epinay part pour Genève, Diderot exhorte son ami à l'accompagner, insistant sur le rôle de protectrice qu'a joué la fermière générale auprès de Rousseau. Celui-ci se fâche, refusant toute relation de dépendance vis-à-vis d'un grand (rappelons qu'il s'agit justement du reproche qu'il adresse aux intellectuels de son temps).
Une fois encore, on feint de se réconcilier. Mais lorsque Diderot révèle à St-Lambert que Rousseau s'est pris de passion pour sa maîtresse Sophie d'Houdetot, le Genevois coupe définitivement les ponts avec son ami de toujours. Dans sa Lettre à d'Alembert sur les spectacles, publiée en 1758, il ajoute une note qui va marquer Diderot au fer rouge : "si vous avez tiré l'épée contre votre ami, n'en désespérez pas ; car il y a moyen de revenir. Si vous l'avez attristé par vos paroles, ne craignez rien, il est possible de vous réconcilier avec lui. Mais pour l'outrage, le reproche injurieux, la révélation du secret et la plaie faite à son coeur en trahison, point de grace à ses yeux : il s'éloignera sans retour."
L'accusation est publique, et Diderot la vit d'autant plus mal qu'il s'estime innocent, même s'il reconnaît sa maladresse.
Sa réponse dans les Tablettes sera à la hauteur de sa colère : "le citoyen Rousseau a fait sept scélératesses..." Et d'énumérer un à un, tous les torts de son ancien compagnon. Il conclut par ces quelques mots : "En vérité, cet homme est un monstre."
On accordera à Diderot le bénéfice du doute quant à sa participation dans le complot qui vise Rousseau en 1765. L'homme n'était pas aussi malintentionné que Voltaire, d'Holbach ou encore d'Alembert. Pourtant, dans le conflit qui a opposé les deux anciens amis, force est de reconnaître que les coups portés ont été plus violents d'un côté que de l'autre. Car après 1758, Rousseau ne se livrera plus à aucune attaque publique. Diderot, lui, les multipliera. Encore et encore, même lorsque Rousseau sera tombé à terre...
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