samedi 25 septembre 2010

Discours sur l'origine de l'inégalité (1)

La modernité de Rousseau est frappante. Jugez-en plutôt.
Dans son 2nd Discours, celui sur l'origine de l'inégalité (1755), il nous explique que l'histoire de l'humanité est celle d'une chute. Rien à voir avec le péché originel, plutôt un péché qu'on pourrait qualifier d'"historique" : l'engagement des hommes dans une socialisation d'envergure qui donne rapidement naissance à l'idée de propriété, puis à celle de richesse. Progressivement, la valeur d'un individu se déplace de son être (ce qu'il est) à son avoir (ce qu'il possède). Cette inégalité sociale génère inévitablement des conflits, le pauvre cherchant à dérober son bien au nanti.
C'est alors que naissent les lois, édictées par les dominants, et destinées en apparence à rétablir le calme et la paix. C'est là que se situe le véritable scandale, aux yeux de Rousseau : car ces lois légitiment désormais la propriété et transforment l'usurpation économique en pouvoir politique. Les plus pauvres sont donc condamnés à le demeurer, ils n'ont même plus le droit de prétendre aux biens qu'on leur a confisqués !
Et pour couronner le tout, les puissants prétendent que l'autorité doit être durable, et que leur charge sera désormais héréditaire !
Voilà l'histoire irréversible de nos sociétés, selon Rousseau. Et contrairement à ce que prétendent ses adversaires, jamais il n'a prêché un retour en arrière, ni le partage des richesses (au grand dam des communistes...). Il reconnaît d'ailleurs l'inégalité des talents et des forces et propose que la propriété demeure limitée, que les écarts de fortune restent raisonnables. C'est à cette seule condition qu'une société peut perdurer, à ses yeux.
Quel talent visionnaire ! Mettez ce discours en rapport avec la situation sociale actuelle, et vous concéderez que le Genevois avait vu juste !

5 commentaires:

  1. Et quelles limites fixe la raison dans "les écart de fortune"?
    Et comment lutter contre ces dits-écarts? par un retour à l'état de nature, par à retour vers une société sans progrès aucun?
    Quelles solutions concrètes apporte donc JJR?

    "Regrettera qui veut le bon vieux temps" etc, etc...
    Sophie (qui vient de trouver une autre citation de Voltaire après lecture du Second discours: "il prend envie de marcher à quatre pattes (...) j'en ai perdu l'habitude, je sens malheureusement qu'il m'est impossible de la reprendre")
    Non, non, je n'ai pas changé... mais toi non plus!

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  2. Mea culpa...
    "les écarts"
    et "par un retour vers..."
    C'est mieux sans faute d'orthographe ou de syntaxe...

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  3. Voltaire a toujours présenté ce visage face à Rousseau : la raillerie en public, en caricaturant le propos du Genevois ; la haine en privé, en s'acharnant contre lui afin de le discréditer.
    Les "solutions" que propose Rousseau, on les trouve dans "le Contrat Social", pas dans ce 2nd discours. Amusant d'ailleurs de constater qu'à la fin de sa vie, dans son Bougainville, Diderot se rapproche in fine de son meilleur ennemi...

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  4. Euh.. tu ne crois tout de même pas que tu vas parvenir à me faire lire le "Contrat social"!!!
    Le spécialiste es JJr n'aurait-il pas l'obligeance de me donner la "substantifique moelle" qui répondrait à mes questions???

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  5. Très saine lecture, pourtant ! il évoque les différents types de systèmes politiques ainsi que leurs limites. Première piste essentielle : faire de chaque individu un citoyen éclairé, donc capable de faire des choix. Quels choix ? ceux qui privilégient le bien public au détriment des intérêts privés. D'où l'intérêt, quel que soit le système en place, d'éduquer et d'instruire chaque citoyen. Vaste programme, non ? Très éloigné du mépris qu'éprouvait Voltaire pour le peuple...

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