Le "personnage" Rousseau est né entre 1749 et 1750 avec la publication du Discours sur les Sciences et les Arts. Qu'était-il avant cela ? Un courtisan, un parasite parmi tant d'autres, qui errait de salon en salon à la recherche d'un succès qui le fuyait.
Et que dit-il en substance dans son discours : que dans la société du XVIIIème, "on n'ose plus paraître ce qu'on est". Critique d'une société où le paraître triomphe sur l'être, où l'hypocrisie et la dissimulation deviennent des qualités incontournables quand on aspire à la réussite. Rousseau va plus loin en clamant haut et fort : nous devons cela "aux lumières de notre siècle". Le responsable est pointé du doigt : les écrivains, les artistes, les scientifiques, tous ceux que l'histoire nomme aujourd'hui les philosophes des Lumières. La critique ne s'arrête pas là : "Le besoin éleva les trônes ; les sciences et les arts les ont affermis." Voilà que les philosophes sont accusés d'aider le pouvoir à asservir le peuple !
En quelques lignes, Rousseau vient de sceller son destin. Face aux railleries puis aux attaques de ses adversaires, qui lui reprochent de ne rien croire de ses propos, le Genevois s'acharne à prouver le contraire. Oui, il se sent différent ! Oui, cette société des salons parisiens l'insupporte ! Oui, le mensonge et l'hypocrisie lui sont étrangers ! Et oui, il voit dans l'homme de lettres l'un des responsables des maux de son temps !
Et pourtant il écrit, lui aussi ! Et il les fréquente, ces salons ! Là est tout le paradoxe de Rousseau, ce même paradoxe que lui reprochent ses adversaires.
Le succès de son discours et les attaques dont il est l'objet l'amènent alors à engager sa "réforme personnelle" : il pose l'épée, renonce aux dorures, aux chemises de soie et décide de devenir copiste de musique, à dix sous la page. Un artisan, en somme, mais certainement pas un homme de lettres.
Tout son oeuvre ultérieure ne sera qu'un développement de ce premier discours, comme si Rousseau avait cherché à multiplier encore et encore les preuves de sa bonne foi.
Et cela pendant près de trente ans...
Diderot avait bien perçu l'enjeu du combat de son ancien ami. Il prétendait à qui voulait l'entendre que c'était lui, Diderot, qui avait soufflé à Rousseau la thèse du 1er Discours... Aujourd'hui, certains diraient qu'il n'y a pas de vérité du moi. Et Rousseau en est la preuve vivante...
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