Elisabeth-Sophie de Bellegarde, devenue comtesse d'Houdetot par son mariage, est l'un des personnages centraux de "La Comédie des Masques". Belle-soeur de Louise d'Epinay, elle est également la maîtresse du poète Saint-Lambert, et passe ses étés à Eaubonne, non loin du château de la Chevrette.
C'est là qu'elle se trouve en 1757, alors même que Rousseau s'est installé à l'ermitage.
Tous les ingrédients du roman sentimental sont réunis : le mari et l'amant sont absents, la belle soeur est jalouse, et la jeune femme se montre très réceptive aux émois sentimentaux de Rousseau. Dans les Confessions, celui-ci nous apprend que lors de la 2ème visite de Sophie à l'ermitage, il tombe sous le charme de la jeune femme : "Et pour cette fois, ce fut de l'amour". Que s'est-il réellement passé durant cet été 1757 ? J'aurais donné cher pour lire les nombreuses lettres échangées au cours de ces quelques mois. Hélas, Sophie les a réclamées à Jean-Jacques, qui s'est exécuté la mort dans l'âme... On en sait donc peu de choses : le tempérament romanesque de Rousseau s'emballe, il voit en Sophie la Julie de sa Nouvelle Héloïse, elle est subjuguée, et au moment où elle va se donner à lui ( rappelez-vous de la scène célèbre du bosquet d'acacias), Rousseau renonce... Il s'arrange même pour que ce soit elle qui prenne l'initiative de l'éloignement, puis de la rupture.
Ce moment d'égarement passé, la jeune femme se ressaisit et comprend que sa réputation est en jeu. La rumeur s'est déjà propagée à Paris, son amant Saint-Lambert est alerté, il faut agir. Et vite !
A la fin de l'été, Sophie détruit tous les courriers mais elle demande à Rousseau de poursuivre leur correspondance. De façon plus impersonnelle, autour de sujets moins compromettants... Ces lettres-là, nous les possédons. Pourquoi Sophie les aurait-elle détruites puisqu'elles constituaient autant de preuves de son innocence ? Le moment venu, elle pouvait les présenter à ses accusateurs comme des gages de sa bonne foi !
Quant aux raisons du renoncement de Rousseau, Henri Guillemin en parle brillamment dans "un homme, deux ombres", son essai consacré à l'affaire de Montmorency. Dans "la comédie des masques", j'ai choisi de raconter la scène du bosquet, celle durant laquelle Rousseau aurait pu devenir un "vil suborneur" (ce sont ses propres mots). C'est l'un des passages que j'ai pris le plus de plaisir à écrire, presque d'un trait si mes souvenirs sont bons. "Ma" Sophie est certainement plus belle, plus séduisante que celle qu'a connue Rousseau. Mais cela, je vous laisserai en juger lorsque vous lirez le 1er tome...
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