Si quelque chose lie Rousseau à la Révolution, c'est bien sa critique virulente de l'inégalité, exposée dans son 2nd Discours (1755). Pour lui, rappelons-le, toute socialisation procède d'une volonté des plus puissants de protéger leurs biens. Ecrites par les plus riches, les lois ont certainement pour fonction de garantir l'ordre, mais elles doivent avant tout les prémunir contre ceux qui ne possèdent rien. Dans le Contrat Social, en évoquant la transmission héréditaire du pouvoir édictée en principe, il dénonce de la même façon la perpétuation de cette inégalité à travers les siècles.
Pour autant, l'Histoire commet un grave contresens en faisant de Rousseau l'un des premiers révolutionnaires du XVIIIème siècle. Certes, Robespierre se réclamera de Rousseau et du Contrat Social ; il dénoncera même les ennemis du Genevois. Mais rappelons-le également, Rousseau n'a jamais aimé ceux qu'il nommait les "séditieux". Jamais non plus il n'a appelé à la lutte des classes, comme le fera Marx au XIXème siècle. Il pense au contraire qu'en situation de révolte, les "brigandages" des plus pauvres ne constituent pas un pendant souhaitable à l'usurpation des riches.
S'il est critique, Rousseau ne se veut donc pas réformateur. Le seul conseil qu'il donne (en creux) est énoncé dans la dédicace aux Patriciens de Genève : "vous n'êtes ni assez riches pour vous énerver par la mollesse et perdre dans de vaines délices le goût du vrai bonheur et des solides vertus, ni assez pauvres pour avoir besoin de plus de secours étrangers que ne vous en procure votre industrie".
Pour Rousseau, l'inégalité des forces et des talents existe, et elle peut (ou doit ?) se traduire par une inégalité sociale. Mais cette dernière doit demeurer limitée, raisonnable, afin que s'institue une relation de déférence et de respect entre le petit nombre des riches dominants et des pauvres dominés... C'est cette modération qu'il loue dans son éloge de la République de Genève.
Niveler l'écart des fortunes... Certains économistes réclament aujourd'hui une politique qui aille dans ce sens. A l'approche du tricentenaire Rousseau, le Genevois continue décidément d'occuper le devant de la scène...
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