mercredi 11 mai 2011

Vous devriez écrire une biographie !

 "un homme est la somme de ses actes, de ce qu'il fait". 
Je suis tombé par hasard, tout récemment, sur cette phrase de Malraux qui m'a permis de comprendre certaines réactions de lecteurs à la sortie de mon livre. En substance, cela se résumait souvent à : "vous devriez écrire une biographie (voire un essai) sur Rousseau".
Et pour être franc, ce n'est qu'aujourd'hui que je saisis les raisons de ces remarques. 
Dans l'esprit de bon nombre de ces lecteurs, le roman (même historique...) est avant tout une fiction : la plupart des dialogues ont été imaginés par l'auteur, certains personnages également, et dès lors qu'on ne s'en tient pas aux faits, on ne saurait évidemment restituer la vérité d'un homme. Désormais, je comprends donc mieux la réticence des éditeurs à indiquer en couverture : "roman historique" plutôt que "biographie" (ou même "biographie romancée"!...)
Janus
Le biographe, lui, on ne le soupçonne pas de falsifier la réalité ! Il rapporte des faits, il précise des dates, il propose un éclairage sur le personnage, et le lecteur se fait un avis... On en revient donc à la citation de Malraux...


Etrangement, si j'ai choisi la forme romanesque, c'est justement parce que je reste persuadé que Rousseau ne se laisse pas décrypter au seul vu de ses agissements. Prenons l'exemple de sa "conversion" (après 1750), ce moment où il dépose l'épée, la montre, les chemises en soie, l'habit brodé, pour se vêtir comme un simple artisan ; ce moment où il quitte le service de Madame Dupin (dont il était le secrétaire entretenu...) pour devenir copiste de musique à quelques sous la page.

Si je m'en tiens à ses actes, ainsi qu'au discours du Genevois dans les Confessions, voici comment je comprendrais Rousseau : il prend conscience que la vie mondaine n'est pas faite pour lui, qu'il a oublié ses valeurs, et que désormais il redevient ce qu'il n'a jamais cessé d'être : un artisan, un homme du peuple, un penseur indépendant...
Si j'écoutais Grimm, Diderot et quelques autres, je me dirais : après le succès de son premier Discours sur les sciences et les arts, Rousseau s'est retrouvé prisonnier de son nouveau personnage. Il est maintenant obligé de jouer un rôle, celui d'un nouveau Diogène perdu au XVIIIème siècle.


le masque, toujours...
S'en tenant aux faits, et souvent aux faits tels qu'ils sont relatés dans les Confessions, le biographe opte toujours pour la première version. On le comprend. Pourtant, Rousseau nous prévient à plusieurs reprises qu'on ne peut le connaître ni le comprendre si on ne fait l'effort d'accéder à sa vie intérieure : à ses pensées, ses souffrances, ses joies, ses envies... Il insiste constamment sur l'écart entre l'être et le paraître, tellement important dans ce Paris du XVIIIème siècle. Que je sache, l'épisode du vol du ruban raconté dans les Confessions, mais également celui des peignes cassés, ont tous deux la même fonction : montrer que les apparences l'emportent toujours sur la réalité.
L'être, l'intériorité de l'être, le biographe n'y fait que rarement irruption. Pourquoi ? Parce qu'il considère que la vérité est factuelle, que l'homme est avant tout ce qu'il fait.
Au contraire, la forme romanesque permet à son auteur d'accéder à cette intériorité, de l'imaginer et de lui donner vie. Et dans le cas de Rousseau, je crois que la fiction (donc le roman) est encore le meilleur moyen de découvrir la vérité de l'être...



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