L'attentat commis par Robert-François Damiens contre la personne du roi (le 5 janvier 1757) va constituer un tourner décisif dans le combat à mort qui oppose les Jansénistes aux Jésuites. (voir précédents articles ici)
Ancien domestique au Collège Louis le Grand (jusqu'à son mariage en 1739), Damiens sert par la suite différents maîtres, dont des parlementaires parisiens et enfin un marchand drapier à Paris (en 1756), chez qui il se rend coupable de vol. Au cours de sa fuite, il séjourne quelque temps à St Omer, où vit une partie de sa famille. Recherché par les autorités, il prend bientôt la route de Poperinge (en août 1756), où il demeure durant plus d'un mois avant de revenir à St-Omer, puis de sillonner le nord du royaume jusqu'au mois de décembre. Qualifié d'instable et de taciturne par les témoins qui le croisent, il se fait saigner une première fois (en août), puis une seconde (en décembre), et tente de se suicider à l'arsenic ; c'est à cette occasion que des témoins l'entendent dire que le royaume, sa fille et sa femme sont perdus... Revenu clandestinement à Paris fin décembre 1756, il rend visite à sa femme et à sa fille, puis prend une chaise pour Versailles (le 3 janvier), et s'installe pour la nuit dans l'auberge du sieur Fortier. Selon ses dires, il aurait passé la journée du lendemain à se promener et à boire. Le 5 janvier, il demande à l'épouse de l'aubergiste une nouvelle saignée. Celle-ci refuse de faire venir un chirurgien. Sur les coups de quatre heures, il s'en va rôder dans les cours du château. Deux heures plus tard, alors que le roi s'apprête à quitter Versailles, Damiens se précipite, fend la haie des courtisans, et lui porte un coup de canif (voir petite lame ci-contre) entre les côtes.
Maîtrisé par les gardes du roi, Damiens aurait aussitôt répété à plusieurs reprises : qu'on prenne garde à M. le Dauphin, que M. le Dauphin ne sorte point de la journée. Au cours du 1er interrogatoire, mené à Versailles ce même jour, Damiens prétend qu'il n'a pas voulu tuer le roi, qu'il a attenté à sa personne "à cause de la religion", qu'il a "entendu dire que tout le peuple de Paris périt, et que malgré toutes les représentations que le Parlement fait, le Roi n'a voulu entendre à aucune...". Il reconnaît avoir logé sous un faux nom chez l'aubergiste Fortier, mais ne donne aucune explication à ce sujet. Lors du 2è interrogatoire, le 7 janvier, sommé de désigner ses complices, Damiens refuse de répondre, se contentant d'expliquer que c'est la "considération des mauvais traitements qu'on fait essuyer aux meilleurs prêtres, ainsi que le triste état où le peuple est réduit, qui l'ont déterminé à l'action..." Il mentionne pourtant sa proximité avec la "compagnie des prêtres" (entendez : des jansénistes) du "parti du Parlement". Il reconnaît également (3è interrogatoire) avoir longuement servi "aux Jésuites de Paris". Malgré les nombreuses dépositions contredisant ses allégations, Damiens soutient lors des premiers interrogatoires qu'il n'a jamais eu ni femme ni fille (son fils étant mort en bas âge).
Ces premières auditions mettent bientôt le feu aux poudres à Paris, notamment dans les milieux parlementaires, soupçonnés d'avoir participé à la tentative de régicide, mais également dans les milieux jésuites, souvent mentionnés au cours des interrogatoires.
A quelques centaines de lieues de là, depuis Genève, Voltaire pourrait se réjouir de voir ses ennemis de toujours, ceux qu'il réunit sous le sobriquet d'"Infâme", impliqués dans ce funeste attentat. Il n'en fait rien. Dès le 16 janvier (soit 11 jours après l'attentat), il annonce à d'Alembert : "j'ai bien peur que Pierre Damiens ne nuise beaucoup à la philosophie."
Le premier, Voltaire a deviné ce qui va se jouer à Paris...
nb : toutes les citations sont extraites des pièces originales et procédures du procès fait à Robert-François Damiens (1757)
nb : toutes les citations sont extraites des pièces originales et procédures du procès fait à Robert-François Damiens (1757)
(à suivre)
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