L'année 1757 va marquer un tournant décisif dans le combat qui oppose Jansénistes, Jésuites et philosophes.
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Rappelons tout d'abord les faits : pour apaiser le conflit qui l'opposait depuis des mois au Parlement (à dominante janséniste), Louis XV avait fait savoir (en décembre 1756) que la Constitution Unigenitus ne serait plus désormais considérée comme une "règle de foi" incontournable. Lourde de sens, cette décision provoque aussitôt un vif mécontentement chez les Jésuites, qui y voient une marque de faiblesse chez le souverain. L'attentat de Damiens (en janvier 1757) met brutalement le feu aux poudres. Lors des premiers interrogatoires (à Versailles), on rappelle à maintes reprises que le domestique a servi chez des parlementaires jansénistes. Cédant à la panique, ces derniers obtiennent du roi (toujours soucieux d'apaisement) le transfert de l'instruction à Paris. Et durant cette 2nde partie du procès, très étrangement, les soupçons vont s'orienter sur les milieux jésuites...
l'attentat de Damiens |
Du côté des philosophes, si d'Alembert laisse éclater sa joie de voir les loups et les renards s'entredévorer, Voltaire s'interroge pour sa part sur le coup fatal qu'il pourrait porter à l'un de ses adversaires. Depuis Genève, où il vit, le philosophe interpelle un à un tous ses correspondants :
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« J’attends avec impatience
le mot de l’énigme de l’aventure de Pierre Damiens. On me mande qu’il y a une
petite secte cachée, composée de la plus basse canaille du parti janséniste…
qu’ils ont voulu non pas tuer le roi, mais le blesser légèrement pour
l’avertir… Il n’y a rien dont le fanatisme ne soit capable » (à Tronchin, le 19 février).
«... Qu’est-ce que c’est donc,
ma chère nièce, qu’une petite secte de la canaille, nommée la secte des
margouillistes, nom qu’on devrait donner à toutes les sectes ? On dit que
ces misérables fanatiques, nés des convulsionnaires, et petits-fils des
jansénistes sont ceux qui ont mis, non pas le couteau, mais le canif, à la main
de ce monstre insensé de Damiens » Voltaire à Madame de Fontaine (19
février).
Devant le peu de succès de ses investigations, Voltaire doit admettre que le forcené a vraisemblablement agi seul, sur un coup de folie ("un chien enragé", dira-t-il à la duchesse de Saxe-Gotha), sans que sa main ait été armée par l'un ou l'autre des deux camps. Dès le mois de janvier, il a cependant pressenti que ses ennemis pourraient devenir des alliés de circonstance en se liguant contre le clan des Encyclopédistes. Dans un courrier du 20 mars à Palissot, il fait d'ailleurs le constat amer que "les monstres nommés jansénistes et molinistes, après s'être mordus, aboient ensemble contre les pauvres partisans de la raison et de l'humanité."
Reconnaissons cette qualité à Voltaire : dans l'art détestable de la calomnie, il ne valait guère mieux que les Jansénistes ou les Jésuites...
Au cours de l'hiver et du printemps 1757, les pamphlets vont pleuvoir comme des bombes sur le clan encyclopédiste.
Dans son périodique la Religion vengée ou Réfutation des auteurs impies, l'apologiste chrétien Jean-Nicolas Hubert Hayer lance de terribles attaques contre les "auteurs impies" :
"Quand on en veut à Dieu, on en veut aux princes qui sont ses images...". Alors qu'ils continuent de s'agresser mutuellement, le Jésuite Berthier (proche de Hayer) et le Janséniste De la Roche se réjouissent pourtant des coups violents qu'ils portent à leur ennemi commun.
"Quand on en veut à Dieu, on en veut aux princes qui sont ses images...". Alors qu'ils continuent de s'agresser mutuellement, le Jésuite Berthier (proche de Hayer) et le Janséniste De la Roche se réjouissent pourtant des coups violents qu'ils portent à leur ennemi commun.
Le 16 avril 1757, une déclaration du roi adjuge une victoire provisoire au camp des dévots (Jansénistes et Jésuites réunis) en stipulant que " tous ceux qui seront convaincus d'avoir composé, fait composer et imprimer des écrits tendant à attaquer la religion, à émouvoir les esprits, à donner atteinte à notre autorité, et à troubler l'ordre et la tranquillité des Etats, seront punis de mort ; tous ceux qui auraient imprimé les dits ouvrages ; les libraires, colporteurs, et autres personnes qui les auraient répandus dans le public, seront pareillement punis de mort."
Les Encyclopédistes et les Libraires n'ont d'autre choix que d'admettre leur défaite. Mais la guerre est loin d'être finie... (à suivre)
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