vendredi 1 octobre 2010

Emile ou de l'Education

Paru en 1762, Emile ou de l'Education va embraser l'Europe entière. En fait, ce sont les quelques dizaines de pages consacrées à la profession de foi du vicaire savoyard, dans le livre IV, qui attireront sur Rousseau les foudres du Parlement et de la Sorbonne.
Dans ce passage, un jeune vicaire expose sa Foi, ou plus exactement les raisons qu'il a de croire en un être suprême. Selon lui, "une volonté meut l'univers et anime la nature." Cette conviction n'est pas le fruit d'un raisonnement. "Je le sens", dit le jeune homme. S'il arrive que le raisonnement et le jugement nous égarent, la conscience, elle, ne nous trompe jamais. Elle est un juge infaillible du bien et du mal. Le vicaire propose d'adorer Dieu, mais se refuse à le prier. Pourquoi le ferait-il, puisque Dieu nous a déjà tout donné ? Voilà, en quelques lignes, les fondements de la "religion naturelle" telle que la conçoit Rousseau.
Et voilà comment il renvoie dos à dos les philosophes et l'Eglise pour proposer une troisième voie :la sienne.
Evidemment, ses anciens amis perçoivent ces propos comme une trahison, notamment lorsque Rousseau ose proclamer : "si la vie et la mort de Socrate sont d'un sage, la vie et la mort de Jésus sont d'un Dieu."
Mais l'Eglise et les dévots trouvent eux aussi à redire à cette position. Car dans cette phrase, Rousseau ne reconnaît pas la divinité de Jésus, il se contente d'avancer le caractère exceptionnel de son destin terrestre. D'ailleurs, les provocations de Jean-Jacques vont plus loin : " que d'hommes entre Dieu et moi !", reproche-t-il aux prêtres qui prétendent lui enseigner la parole de Dieu. Rousseau va même plus loin, en niant la réalité des miracles : "je crois trop en Dieu pour croire à tant de miracles si peu dignes de lui."

Les dévots parisiens ne s'y tromperont pas. Le Parlement, non plus.
Et puis, quelle imprudence de la part de Rousseau : refuser l'anonymat, vouloir que son nom apparaisse sur la couverture, coûte que coûte !
Le résultat ne se fait pas attendre.L'ouvrage est condamné en juin 1762, puis brûlé au pied du Palais de justice. Mis à l'index à Rome, il est également détruit à Genève et à Amsterdam. Décrété de prise de corps, Rousseau quitte la France pour la Suisse.Il ne pourra regagner Paris qu'en 1770.

Et que dire de l'attitude de certains philosophes face aux persécutions dont fut victime leur ancien ami ? Un seul exemple, celui de Voltaire, qui s'adresse en ces termes au Petit Conseil genevois (1765) : "le Conseil aura trop de prudence et trop de fermeté, pour s'amuser seulement à faire brûler un livre... Il punira avec toute la sévérité des lois...un blasphémateur séditieux."
C'est ce même auteur qui, à cette époque, rédigeait son célèbre Traité sur la Tolérance...

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