mercredi 27 octobre 2010

Les ennemis des philosophes au XVIIIème

Le discours antiphilosophique qui prend corps au XVIIIème est aujourd'hui tombé dans l'oubli. Il mérite pourtant qu'on s'y arrête, ne serait-ce que pour démystifier la figure désormais sacralisée du philosophe des Lumières.
Distinguons pour commencer les forces en présence :
- d'un côté, ces nouveaux philosophes, regroupés après 1750 autour de Diderot et d'Alembert, et protégés par certains personnages illustres tels que Choiseul ou encore Mme de Pompadour.
- de l'autre, une opposition divisée en 2 camps : des apologistes chrétiens (jansénistes ou jésuites) tels que Barruel ou Berthier ; des adversaires littéraires en marge de la secte encyclopédiste ( Fréron, Palissot), qui consacrent leurs ouvrages à cette croisade antiphilosophique.

L'un des thèmes majeurs de la critique est celui du discours philosophique qui corromprait le public. L'abbé Claudon, dans son dictionnaire antiphilosophique le qualifie de "coupe dans laquelle tous les âges s'abreuvent du poison de l'impiété". Pour discréditer ces nouveaux philosophes, Fréron invente les termes philosophiste et philosophisme. Après les événements révolutionnaires de 1789, ces mêmes hommes rendront les philosophes responsables de tous les débordements de la Terreur. Ils imagineront même une alliance concertée entre philosophes et francs-maçons, les uns se chargeant d'abattre le trône, les autres s'acharnant sur l'autel.

Fréron
On reproche également aux philosophes d'être des imposteurs, leur mouvement comptant moins de véritables savants que de beaux esprits. On les accuse dès lors de servir avant tout leur intérêt personnel plutôt que la vérité. Ainsi, d'Alembert est une cible privilégiée de ces opposants. En effet, l'illustre Académicien n'apparaît comme un géomètre qu'auprès des hommes de lettres. Dans le camp des géomètres, au contraire, on ne retient que ses talents littéraires. Et parmi ces derniers, personne n'a jamais lu les cinq volumes de ses Mélanges littéraires ( A toutes fins utiles, rappelons au lecteur que la présence de l'académicien à une séance  lui permettait de toucher un jeton de présence, échangeable contre une somme d'argent...).

On dénonce également le goût des philosophes pour le raisonnement abstrait et ennuyeux. Ces esprits n'auraient de goût que pour la polémique, et ils rejetteraient en bloc l'imaginaire ou encore l'invention poétique. Ainsi, l'abbé Barruel s'en prend tout particulièrement à l'oeuvre de Diderot, qu'il trouve indigeste.

On comprend mieux pour quelles raisons Rousseau a souvent trouvé grâce aux yeux des opposants aux Lumières : l'intolérance des philosophes, leurs compromissions avec les milieux aristocratiques, le refus de voir attaquées certaines valeurs indispensables à l'harmonie sociale ; ce sont là des thèmes qu'ils ont en commun dans leurs écrits respectifs.
Et pour les Philosophes, une raison de plus pour le haïr...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Pour commenter cet article...