vendredi 22 octobre 2010

La mort de Rousseau

D'abord, les faits : le vendredi 2 juillet 1778, Rousseau sort de bonne heure pour ramasser quelques herbes. Il rentre vers sept heures et boit une tasse de café. Alors qu'il s'apprête à ressortir (il doit donner une leçon de musique à la fille du marquis de Girardin), il connaît un premier malaise. Thérèse quitte à son tour la maison pou payer une facture. A son retour, effrayée de l'état de son époux, elle fait prévenir Mme de Girardin. Rousseau la remercie, puis la prie de se retirer.
Sur les coups de dix heures, il se serait installé sur la chaise percée, avant de tomber au sol et de demeurer inanimé. Alerté, le marquis fait venir Chenu, chirurgien à Ermenonville. Peine perdue : Rousseau meurt vers onze heures sans avoir repris connaissance.
Le lendemain, Houdon se présente pour le moulage du masque mortuaire. Enfin, les chirurgiens pratiquent l'autopsie, constatent une blessure au front, et concluent à une crise d'apoplexie séreuse.

Puis, la légende : dans les jours qui suivent, d'étranges bruits courent déjà. Ami de Rousseau, Corancez affirme que le Genevois s'est suicidé d'un coup de pistolet. Grimm fait aussitôt écho à cette nouvelle dans sa Correspondance Littéraire, attribuant cet acte au "délire de la persécution". Au mois de décembre, effrayé de ce que pourraient révéler les Confessions, Diderot fait paraître son Essai sur la vie de Sénèque, où il évoque de manière à peine voilée son ancien ami : "jetez loin de vous son odieux libelle, et craignez que, séduits par une éloquence perfide, et entraînés par les exclamations aussi puériles qu'insensées de ses enthousiastes, vous ne finissiez par devenir ses complices. Détestez l'ingrat qui dit du mal de ses bienfaiteurs ; détestez l'homme atroce qui ne balance pas à noircir ses anciens amis..."
Rappelons qu'au moment où Rousseau voulut procéder à des lectures publiques de ses Confessions, quelques années plus tôt, Louise d'Epinay, Grimm et Diderot intervinrent auprès du lieutenant de police Sartine pour les faire interdire. De toute évidence, Diderot était terrifié par de possibles révélations à son sujet. J'en imagine une dans mon premier roman...

D'autres légendes ont vu le jour bien plus tard, comme celle qui accusait Thérèse d'assassinat. Personne n'ignorait sa liaison avec l'un des serviteurs du marquis de Girardin ! Et comment expliquer cette blessure au front ? En 1912, examinant le masque mortuaire, le docteur Raspail y vit même trois plaies au front et en conclut qu'elles avaient été provoquées par des coups de marteau !

Pour en avoir le coeur net, on procède à l'exhumation du corps en 1897. Le crâne est reconnu intact, sans aucune trace de fracture ni de perforation. On admet donc la thèse de la mort naturelle.

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