jeudi 24 mars 2011

Rousseau vu par Voltaire

On ne dira jamais assez quel rôle a joué Voltaire dans les persécutions subies par Rousseau tout au long de son existence. Et il y aurait encore bien davantage à dire sur cette haine presque palpable qui anime le patriarche de Ferney dès que le nom de Rousseau est évoqué devant lui.
En parcourant son immense correspondance, je ne l'ai d'ailleurs jamais senti aussi malveillant et venimeux que lorsqu'il aborde le cas Rousseau.

Voltaire

"Le singe ingrat... On le regarde comme un fou ou comme un monstre" ( lettre à Damilaville"), "un petit séditieux... qui mériterait au moins le pilori" (lettre à Damilaville), "il faut couper un membre gangrené" (lettre à Marmontel) ; "un petit homme né dans la fange, pétri de tout l'orgueil de la sottise, de toute l'avarice attachée à son éducation, de toute l'ignorance de son école" ( les Adorateurs)


On perçoit de temps à autre les raisons de ce ressentiment :
"Il aurait eu peut-être un talent tout entier s'il avait été honnête
( lettre à Mme d'Epinay) , "cet archi-fou, qui aurait pu être quelque chose, s'il s'était laissé conduire" (lettre à d'Alembert), "s'il avait voulu que nous nous entendissions, nous aurions fait une révolution dans la manière de penser".
Le voilà, le Voltaire qu'on méconnait encore : il se rêve en chef de clan et voit dans les autres philosophes des séides exécutant ses volontés.
A mon sens, il entre également dans cette prévention contre le Genevois une part de jalousie, celle du penseur qui se découvre soudain face à un philosophe d'envergure... Mais Voltaire ne s'en tient pas à ces gesticulations épistolaires. En 1765, avec son pamphlet "le Sentiment des Citoyens", il en arrive à proférer les pires des bassesses : "Nous avouons avec douleur et en rougissant que c'est (Rousseau) un homme qui porte encore les marques funestes de ses débauches, et qui, déguisé en saltmbanque, traîne avec lui de village en village, et de montagne en montagne, la malheureuse dont il fit mourir la mère, et dont il a exposé les enfants à la porte d'un hôpital..." Il conclut l'ouvrage par un appel pressant aux autorités genevoises : "il faut lui apprendre que si on châtie légèrement un romancier impie, on punit capitalement un vil séditieux."
Une peine capitale, voilà ce que réclame Voltaire pour son frère ennemi. Voilà l'homme qu'on considère habituellement comme l'un des grands humanistes du siècle des Lumières... Je vous laisse libre d'en juger.

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