Le raisonnement adopté par Jaucourt reste d'actualité, non ?
MENDIANT (Econom. politiq.) : gueux ou
vagabond de profession, qui demande l'aumône par oisiveté et par fainéantise,
au lieu de gagner sa vie par le travail.
Les législateurs des nations ont toujours eu soin de
publier des lois pour prévenir l'indigence, et pour exercer les devoirs de
l'humanité envers ceux qui se trouveraient malheureusement affligés par des
embrasements, par des inondations, par la stérilité, ou par les ravages de la
guerre; mais convaincus que l'oisiveté conduit à la misère plus fréquemment et
plus inévitablement que toute autre chose, ils l'assujettirent à des peines
rigoureuses. Les Egyptiens, dit Hérodote, ne souffraient ni mendiants
ni fainéants sous aucun prétexte. Amasis avait établi des juges de police
dans chaque canton, par devant lesquels tous les habitants du pays étaient
obligés de comparaître de temps en temps, pour leur rendre compte de leur
profession, de l'état de leur famille, et de la manière dont ils
l'entretenaient; et ceux qui se trouvaient convaincus de fainéantise, étaient
condamnés comme des sujets nuisibles à l'état. Afin d'ôter tout prétexte
d'oisiveté, les intendants des provinces étaient chargés d'entretenir, chacun
dans leur district, des ouvrages publics, où ceux qui n'avoient point d'occupation,
étaient obligés de travailler. Vous êtes
des gens de loisir, disaient leurs commissaires aux Israélites, en les
contraignant de fournir chaque jour un certain nombre de briques; et les
fameuses pyramides sont en partie le fruit des travaux de ces ouvriers qui seraient
demeurés sans cela dans l'inaction et dans la misère. (…)
Des édits semblables contre les mendiants et les
vagabonds, ont été cent fois renouvelés en France, et aussi inutilement qu'ils
le seront toujours, tant qu'on n'y remédiera pas d'une autre manière, et tant
que des maisons de travail ne seront pas établies dans chaque province, pour
arrêter efficacement les progrès du mal. Tel est l'effet de l'habitude d'une
grande misère, que l'état de mendiant et de vagabond attache les hommes qui ont
eu la lâcheté de l'embrasser; c'est par cette raison que ce métier, école du
vol, se multiplie et se perpétue de père en fils. Le châtiment devient d'autant
plus nécessaire à leur égard, que leur exemple est contagieux. La loi les punit
par cela seul qu'ils sont vagabonds et sans aveu ; pourquoi attendre qu'ils
soient encore voleurs, et se mettre dans la nécessité de les faire périr par
les supplices? Pourquoi n'en pas faire de bonne heure des travailleurs utiles au
public? Faut-il attendre que les hommes soient criminels, pour connaître de
leurs actions? Combien de forfaits épargnés à la société, si les premiers dérèglements
eussent été réprimés par la crainte d'être renfermés pour travailler, comme
cela se pratique dans les pays voisins!
Encyclopédie (tome 10), article
« mendiant »,
Louis de Jaucourt (1765)
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