Dans La franc-maçonnerie et la Révolution Française
(1904), Maurice Talmeyr (1850-1931) reprend quelques-unes des antiennes
contre-révolutionnaires déjà esquissées par Burke, Barruel ou encore De
Maistre.
- pour lire le 1er article, ici
- pour lire le 2è article, ici
Il faut abréger... Mais toute la Révolution, ou presque toute la Révolution, et,
dans la Révolution, presque toute
journée révolutionnaire,
s'explique ainsi par une permanente
conjuration des Loges, où rien n'est aussi complètement absent que la spontanéité, et où les deux moyens de machination, selon
les prescriptions exactes de
Weishaupt, ne cessent jamais d'être, un seul instant, la trahison la plus prodigieusement répandue,
et la plus sauvage violence. Les
faits de trahison rempliraient des
volumes. Quoique servis encore par
quelques fidélités admirables, comme par celle de Mandat qui ne fut certainement massacré que parce qu'il était fidèle, le Roi et la Reine étaient, en réalité,
tout entourés et tout enveloppés
de traîtres. C'est ce Savalette de
Lange, si judicieusement placé à
l'emploi de garde du Trésor royal. C'est le ministre Necker, que toute une conspiration en règle impose à
Louis XVI, et qui n'est mis là que
pour le perdre ! C'est cette femme
Rochereuil qui joue, avec tant de
démonstrations larmoyantes, la comédie du dévouement à la Reine afin de se faire attacher de plus près à sa personne, et qui
vient dénoncer en secret, au
Comité des recherches, tous les
préparatifs de la fuite à
Varennes! C'est Mme Necker elle-même, la femme du ministre en fonction, et qui écrit à son frère, le franc-maçon Germain, au
moment des massacres d'Octobre,
pendant lesquels les bandes des massacreurs envahissent le château de Versailles pour y tuer le Roi et la Reine : « Soyez
tranquille, tout ira bien . » Et il s'agit, en effet, de tuer
le Roi, tout a toujours été là.
Mais le meurtre du Roi n'est pas
encore facile, il est encore trop défendu par l'air et la terre mêmes du royaume. Néanmoins, on y arrivera, c'est une question d'entraînement, et les Loges
s'en chargent. Elles ont toujours
tout réglé, dès 1789, depuis ce 17
juillet où Louis XVI, à son
arrivée à l'Hôtel de ville, avait déjà vu un bataillon former au-dessus de sa tête ce que le rituel maçonnique appelle la
Voûte d'acier et elles régleront
tout, jusqu'à l'exécution, qui
sera encore elle-même la
réalisation d'un autre rite ! Elles font ainsi les 5 et 6 octobre, où le Roi échappe, puis le 20 juin, où il échappe encore, puis le
10 août, où il n'échappe plus,
mais où il s'en faut de peu!
la journée décisive du 10 août 1792 |
Il
s'en faut même de si peu que la Révolution, qui écrase enfin le Roi,
manque, ce jour-là, d'être écrasée
par lui, et un témoignage
capital, que pas un historien n'a relevé, mais qui semble des plus sérieux, doit être signalé ici. Que Louis XVI n'eût pas envoyé, de l'Assemblée, l'ordre de
cesser le feu aux défenseurs des
Tuileries, et il n'est plus
douteux, aujourd'hui, que la Révolution était perdue. Au lieu d'être ce qu'elle est devenue, elle n'eût plus été qu'une crise comme en avait déjà traversées la
Monarchie ! Que Louis XVI,
d'ailleurs, ait pu envoyer cet
ordre, qui était sa perte certaine, à la minute précise où sa victoire ne pouvait plus faire de doute, personne ne l'a jamais compris, même en sachant jusqu'où
sa faiblesse pouvait aller.
Napoléon, qui assistait à
l'affaire, en était encore confondu
d'étonnement à Sainte-Hélène. Il en poussait encore une exclamation de stupeur quand il y pensait dans son île, et c'est
surtout ici que les historiens,
pour expliquer l'inexplicable,
en appellent tous à des raisons mystiques. Or, d'après le témoignage du député Ghoudieu, plus tard
conventionnel et régicide, témoignage que contiennent ses Mémoires récemment publiés, il est permis de croire que Louis XVI n'a jamais donné l'ordre
qui tua, ce jour-là, la monarchie
française, et que non seulement il
ne l’a pas donné, mais qu'il
refusa même, par son geste, d'ordonner autre chose que la résistance à outrance. (…) Mais cet ordre «de
cesser le feu», peut-on cependant objecter, se trouve au Musée Carnavalet, écrit de la main même du Roi.
Eh bien, non, il ne s'y trouve
pas, et le seul ordre qu'on puisse
y voir, non pas écrit de la main
de Louis XVI, mais simplement signé
de lui, c'est l'ordre donné aux Suisses survivants, une fois l'affaire terminée, et quand il n'y avait plus rien à espérer, de «
déposer leurs armes » et de « se
retirer dans leur caserne ».
Et qui donc, en ce cas,
venait ainsi, en pleine lutte,
apporter l'ordre de ne plus tirer,
et l'apporter, au nom du Roi, aux défenseurs qui ne pouvaient en croire leurs oreilles? Qui donc, dans un semblable
moment, et quand un ordre pareil,
en raison de son invraisemblance,
ne pouvait être cru qu'à la
condition d'être apporté par un de ces serviteurs qu'on n'a pas le droit de suspecter, qui donc bien pouvait être ce
serviteur-là ?... Est-ce M.
d'Hervilly ?... Est-ce un autre?...
On ne peut rien dire ! Mais il y avait déjà un Savalette de Lange à la
garde du Trésor. Comment ne pas
supposer qu'il y en avait d'autres
ailleurs, et que l'ordre dont la Monarchie est morte a été traîtreusement et faussement donné par un de ceux-là? Comment, dans tous les cas,
puisque nous avons l'ordre signé
de déposer les armes après la
lutte, n'avons-nous pas celui de cesser de se défendre en pleine action ?
Et que va-t-il se passer ensuite
pour la personne même du Roi?
L'Assemblée est dominée par la
Franc-Maçonnerie, mais n'est pas
la Franc-Maçonnerie elle-même, et
n'a jamais voté, comme on le croit, et
comme on nous l'a toujours faussement enseigné, l'emprisonnement du Roi au Temple ! Non ! Elle vote qu'il logera
au Luxembourg. Mais la Commune
insurrectionnelle est là,
clandestinement nommée par les Loges
pendant la nuit. Elle déclare le
Luxembourg difficile à garder, propose le
palais du Temple, et où met-elle le Roi, dès l'arrivée au Temple ? Dans le palais, qui est un séjour princier, et l'un de ceux du
comte d'Artois? Non, dans la tour ! L'Assemblée, en fait, a cru voter le palais, mais un pouvoir occulte, plus fort qu'elle, se moque de
son vote, et, contrairement à ce
vote, met le Roi dans la prison,
et dans la prison même des anciens
Templiers ! Et que se passe-t-il à
ce moment même ? Il se passe cette chose étrange, rapportée par Barruel, qui l'a vue, et qui nous dit ce qu'il a vu, c'est
qu'aussitôt le séjour du Roi au
Temple décidé, un grand nombre de
francs-maçons se répandent dans
Paris, et crient partout, à la stupeur générale, en se livrant à des transports de joie
: "Le Roi est arrêté ! tous les
hommes sont maintenant égaux et
libres ! Nous n avons plus de secret !
Nos mystères sont accomplis ! La France entière n'est plus qu'une grande Loge ! Les Français sont tous francs-maçons et l'univers entier le sera bientôt !
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