Président de la cour des aides de
Montauban, Jean-Jacques Le Franc de Pompignan est élu à l'Académie en
septembre 1759. Comme le magistrat brigue la place de gouverneur des
Enfants de France et qu'il lui faut pour cela plaire au Dauphin, le
rimailleur prononce (en mars 1760) un discours de réception demeuré
célèbre, dans lequel il se livre à une terrible charge contre les faux
philosophes, à savoir les Encyclopédistes...
Dès la fin mars 1760 circule à Paris le petit fascicule intitulé : LES QUAND, notes utiles sur un discours prononcé à l'Académie le 10 mars 1760, et dont je reproduis l'essentiel ci-dessous.
Dès la fin mars 1760 circule à Paris le petit fascicule intitulé : LES QUAND, notes utiles sur un discours prononcé à l'Académie le 10 mars 1760, et dont je reproduis l'essentiel ci-dessous.
Quand on a
l'honneur d'être reçu dans une compagnie respectable d'hommes de
lettres, il ne faut pas que la harangue de réception soit une satire
contre les gens de lettres; c'est insulter la compagnie et le public.
Quand par
hasard on est riche, il ne faut pas avoir la basse cruauté de reprocher
aux gens de lettres leur pauvreté dans un discours académique, et dire
avec orgueil qu'ils déclament contre
les richesses, et qu'ils portent envie en secret aux riches (...)
Quand on ne fait pas honneur à son siècle par ses ouvrages, c'est une étrange témérité de décrier son siècle.
Quand on est
à peine homme de lettres, et nullement philosophe, il ne sied pas de
dire que notre nation n'a qu'une fausse littérature et une vaine
philosophie.
Quand on a traduit et outré même la Prière du déiste, composée par Pope; quand on a été privé six mois entiers de sa charge en province, pour avoir traduit et envenimé cette formule du déisme ; quand enfin
on a été redevable à des philosophes de la jouissance de cette charge,
c'est manquer à la fois à la reconnaissance, à la vérité, à la justice,
que d'accuser les philosophes d'impiété, et c'est insulter à toutes les
bienséances, de se donner les airs de parler de religion dans un
discours public, devant une académie qui a pour maxime et pour loi de
n'en jamais parler dans ses assemblées.
Quand on
prononce devant une académie un de ces discours dont on parle un jour
ou deux, et que même quelquefois on porte au pied du trône, c'est être
coupable envers ses concitoyens d'oser dire dans ce discours que la
philosophie de nos jours sape les fondements du trône et de l'autel.
C'est jouer le rôle d'un délateur, d'oser avancer que la haine de
l'autorité est le caractère dominant de nos productions ; et c'est être
délateur avec une imposture bien odieuse, puisque non seulement les gens
de lettres sont les sujets les plus soumis, mais qu'ils n'ont pas même
aucun privilège, aucune prérogative qui puisse jamais leur donner le
moindre prétexte de n'être pas soumis. Rien n'est plus criminel que de
vouloir donner aux princes et aux ministres des idées si injustes sur
des sujets fidèles, dont les études font honneur à la nation ; mais
heureusement les princes et les ministres ne lisent point ces discours,
et ceux qui les ont lus une fois ne les lisent plus. (...)
Quand on
harangue en France une académie, il ne faut pas s'emporter contre les
philosophes qu'a produits l'Angleterre ; il faudrait plutôt les étudier.
Quand on est
admis dans un corps respectable, il faut dans sa harangue cacher sous
le voile de la modestie l'insolent orgueil qui est le partage des têtes
chaudes et des talents médiocres.
Dans les salons parisiens, où l'on s'arrache le petit pamphlet, chacun a immédiatement reconnu la main de Voltaire derrière ce premier coup de griffe. Ce dernier a beau nier ("je ne sais pas pourquoi on me fourre dans toutes ces querelles... Je me contente de ricaner sans me mêler de rien", lettre du 29 mai à Thieriot), il se réjouit en secret du succès qu'il vient de remporter. Pour sa part, Le Franc de Pompignan écume évidemment de rage. Dans son Journal Historique, Charles Collé nous apprend que "ce petit écrit a mis M. de Pompignan au désespoir, et Madame Dufort, à présent sa femme, en a encore été plus outrée que lui ; il a fait l'impossible pour en arrêter le débit, et ses soins à cet égard n'ont fait qu'en multiplier les éditions. On mesure la fureur où il doit être par l'orgueil qu'il a ; et ceux qui le connaissent prétendent que sa colère ne doit point avoir de bornes."
En guise de riposte, Le Franc de Pompignan choisit de se défendre en présentant un mémoire au roi (11 mai 1760), qu'il conclut bien imprudemment par les quelques lignes qui suivent:
A vouloir se faire aussi grosse que le boeuf, la grenouille vient de se couvrir de ridicule. Et à force de gonfler, de gonfler...
( à suivre ici )
Au XVIIIè, le ridicule tue... |
Dans les salons parisiens, où l'on s'arrache le petit pamphlet, chacun a immédiatement reconnu la main de Voltaire derrière ce premier coup de griffe. Ce dernier a beau nier ("je ne sais pas pourquoi on me fourre dans toutes ces querelles... Je me contente de ricaner sans me mêler de rien", lettre du 29 mai à Thieriot), il se réjouit en secret du succès qu'il vient de remporter. Pour sa part, Le Franc de Pompignan écume évidemment de rage. Dans son Journal Historique, Charles Collé nous apprend que "ce petit écrit a mis M. de Pompignan au désespoir, et Madame Dufort, à présent sa femme, en a encore été plus outrée que lui ; il a fait l'impossible pour en arrêter le débit, et ses soins à cet égard n'ont fait qu'en multiplier les éditions. On mesure la fureur où il doit être par l'orgueil qu'il a ; et ceux qui le connaissent prétendent que sa colère ne doit point avoir de bornes."
En guise de riposte, Le Franc de Pompignan choisit de se défendre en présentant un mémoire au roi (11 mai 1760), qu'il conclut bien imprudemment par les quelques lignes qui suivent:
A vouloir se faire aussi grosse que le boeuf, la grenouille vient de se couvrir de ridicule. Et à force de gonfler, de gonfler...
( à suivre ici )
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