dimanche 8 mars 2015

La Beaumelle, un ennemi de Voltaire (1)

Le XVIIIè siècle regorge de fiers-à-bras qui ont osé s'en prendre à Voltaire. Entrer en querelle avec le prince des poètes constituait alors un titre de gloire, le meilleur moyen de se faire connaître dans le monde, dans cette belle société parisienne qui raffolait de ces joutes oratoires aussi cruelles que délectables.
L'entreprise n'était évidemment pas sans risques...
Certains, comme le journaliste Fréron ou l'académicien Le Franc de Pompignan, s'y sont cassé les dents. Voltaire possédait en effet cet art, quasi unique en son temps, de ridiculiser son adversaire d'un simple trait de plume. Quand d'autres, comme Diderot par exemple, rechignaient à se jeter dans ces sordides mêlées, lui y prenait un plaisir coupable. Sa part d'ombre est là, dans ces abjections, dans ces mensonges et ces calomnies qu'il aime à déverser sur l'ennemi. L'homme de Ferney était capable de s'acharner sur l'homme à terre, de faire tomber sur lui une pluie de libelles et de pamphlets jusqu'à lui faire rendre gorge.
C'est à ce prix qu'on se mesurait à lui...
Avant de se lancer dans un tel combat, il était donc préférable d'assurer ses arrières, de trouver des appuis et des protections solides pour vous soutenir au cours de l'affrontement. Quand Fréron assistait à la première d'une tragédie de Voltaire, il savait que son ennemi avait massé ses partisans dans la salle. Le critique littéraire venait donc avec les siens. Ainsi, les sarcasmes pouvaient répondre aux éloges. Tout était jeu et comédie, sur la scène comme dans la salle.
Derrière les ennemis de Voltaire, on trouve toujours les mêmes factions : une partie de la Cour (le parti de la Reine et du Dauphin), les Jésuites, les Jansénistes...
Il en est un, pourtant, qui fait exception à cette règle.
Un jour, il s'est dressé seul contre Voltaire.
Cet homme se nomme Laurent Angliviel de La Beaumelle.
Portrait de La Beaumelle, par Liotard

Quand il arrive en Prusse au mois de novembre 1751, le jeune homme âgé de 25 ans n'est encore rien. Professeur à Copenhague, il a depuis peu entrepris de lancer une collection de classiques français. Voltaire en fait partie. Un an plus tôt, La Beaumelle avait demandé à Voltaire un exemplaire fiable (et non travesti) de La Henriade. Comme les corrections apportées par le poète lui semblaient trop légères, il le lui fit remarquer avec une certaine hauteur : "Faites-moi la grâce, Monsieur, de changer ces bagatelles." Sur le coup, occupé par son rôle de courtisan auprès du roi Frédéric, Voltaire ne releva pas l'insolence.
Mais en voyant débarquer le jeune homme à Berlin, il s'en inquiète aussitôt auprès de ses correspondants : 
"J'écris à Paris pour savoir qui il est. Il me paraît homme de lettres cherchant pratique et puis c'est tout..." (à la comtesse de Mettinck, novembre 51). " Il me dit qu'il venait voir Frédéric et moi. Cette cordialité pour le roi me parut forte." (à d'Argental, décembre 52).
De toute évidence, Voltaire se méfie. Et leur première rencontre va le conforter dans ses intuitions.
(à suivre ici)

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