mercredi 25 mars 2015

L'Encyclopédie (6)

l'attentat de Damiens (janvier 1757)

L'attentat commis par Damiens sur la personne du roi (voyez ici) va porter un terrible coup au projet encyclopédique. Au cours des premières semaines de l'instruction, ce sont les Jansénistes puis les Jésuites qui sont montrés du doigt. Et tout ce beau monde de s'allier et de riposter en choeur pour dénoncer les Encyclopédistes, ces séditieux ! Les réactions ne se font pas attendre. Trois mois après les faits, en avril 1757, paraît une déclaration royale concernant la librairie: elle prévoit que toute personne convaincue d'avoir, sans permission, composé ou fait composer, imprimer, colporter un ouvrage tendancieux, sera punie de mort. Ceux qui n'auront pas dénoncé la présence d'imprimerie dans leur immeuble seront affligés d'une amende de 6000 livres.


On imagine la panique qui s'empare des Libraires associés ! Face à des censeurs souvent tatillons, c'est prendre un risque inconsidéré que de poursuivre la parution. D'ailleurs, comme souvent quand le vent devient contraire, d'Alembert envisage déjà d'abandonner l'entreprise.
Profitant de cette occasion inespérée, les adversaires des philosophes prennent leur plume et inondent Paris d'une pluie de pamphlets. Dans son périodique l'Année Littéraire, le venimeux Fréron (soutenu par la Cour) s'emploie à ramasser dans le caniveau les plus vils libelles, désignant ainsi le coupable du doigt.
Extrait de l'ode sur l'attentat du 5 janvier, parue dans l'Année Littéraire
 Comme souvent quand la situation est propice, les dévots Jésuites et Jansénistes acceptent de taire leurs querelles pour se liguer contre l'ennemi commun. Ainsi, les auteurs du Journal de Trévoux, de la Religion Vengée (ou réfutation des auteurs impies) et des Nouvelles Ecclésiastiques vont faire feu de tout bois tout au long de l'année 1757.
Dans le Mercure d'octobre paraît sous le titre Avis Utile une petite fantaisie décrivant les nouveaux philosophes sous les traits d'une tribu sauvage : les Cacouacs. L'auteur en est l'abbé Odet Giry de Saint-Cyr, un jésuite sous-précepteur des Enfants de France et confesseur du Dauphin. En voici les premières lignes :
Extrait de l'Avis Utile
"Ce sont peut-être les seuls êtres dans la nature qui fassent le mal pour le plaisir, précisément, de faire du mal" ironise même le brave Jésuite dans l'une de ses pointes assassines. Et ses bons mots sont repris dans le Tout-Paris, que ce nom de Cacouacs amuse fort ! D'autant que, dans la foulée, paraît un second ouvrage, encore plus acide que le précédent !
Le sérieux de l'entreprise encyclopédique s'accommode mal de ce persiflage permanent. D'autant que commentant cet ouvrage qui se moque pêle-mêle de Voltaire, de Montesquieu et de la jeune génération des philosophes, Fréron écrit : "J'aurais souhaité que l'auteur n'ait point parlé de M. de Voltaire et de M. de Voltaire. Ils peuvent être Cacouacs, mais ils sont d'un ordre si élevé qu'on les dégrade en les confondant avec deux ou trois petits philosophes. C'est allier les aigles avec les roitelets..."
Pour d'Alembert, la coupe est pleine. Il a beau se plaindre de ces insultes au directeur de la Librairie (Malesherbes), rien n'y fait. "Ils ne seront jamais que d'insolents médiocres" répond Fréron, lorsque Malesherbes tente de calmer le jeu. Cette fois, c'en est trop ! Dans une lettre adressée à un contributeur, le codirecteur de l'Encyclopédie annonce sa décision :
(à suivre ici)

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