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Comment expliquer l'acharnement de Voltaire à faire éclater la vérité quand d'autres, comme Diderot ou Rousseau pour ne parler que des plus connus, semblent se désintéresser de cette affaire Calas ? Après tout, que représente cette famille "de huguenots" pour le seigneur de Ferney ? En pleine guerre de 7 ans, un correspondant qu'il a tenté de rallier à sa cause lui rappelle le sens des valeurs : "que nous importe qu'on ait roué un homme, quand nous perdons la Martinique ?"
la famille Calas se constitue prisonnière |
Comment expliquer l'acharnement de Voltaire à faire éclater la vérité quand d'autres, comme Diderot ou Rousseau pour ne parler que des plus connus, semblent se désintéresser de cette affaire Calas ? Après tout, que représente cette famille "de huguenots" pour le seigneur de Ferney ? En pleine guerre de 7 ans, un correspondant qu'il a tenté de rallier à sa cause lui rappelle le sens des valeurs : "que nous importe qu'on ait roué un homme, quand nous perdons la Martinique ?"
Tout a été écrit concernant cet engagement. Ainsi Fréron, l'un des plus féroces ennemis de Voltaire, persiflait de la sorte auprès de ses lecteurs (l'Année Littéraire, en 1765) : "ce n'est pas tant un sentiment d'humanité que celui de ranimer son existence et de faire parler de lui qui l'a transporté dans cette occasion". Pour le critique, toujours aussi venimeux, le vieux poète ne pouvait bien évidemment viser que son profit personnel...
A l'inverse, plusieurs de ses biographes, dont Raymond Trousson, l'ont prétendu "profondément bouleversé" par le supplice. On souscrira volontiers à cette interprétation à condition de l'assortir d'une précision essentielle : avec le procès Calas, Voltaire vient de comprendre que ces affreuses affaires judiciaires constituent un angle d'attaque particulièrement efficace contre l'Eglise, l'Infâme Eglise au nom de laquelle ont été perpétrés tant de crimes au cours des siècles. A titre d'exemples, rappelons l'exécution des sodomites Diot et Lenoir, celle de La Barre, celle de tant d'autres encore, tous morts d'avoir blasphémé en actes ou en paroles...
Pour humaniser et rationaliser la justice, il faut d'abord dénoncer ses fondements théologiques, ce qui permettra de réduire progressivement la sphère d'influence de l'Eglise. Aux yeux de Voltaire, l'homme d'église devrait se contenter d'édifier la populace. En fait, rien ne l'insupporte tant que d'imaginer les Jésuites et autres Jansénistes parader à Versailles ou gloser de choix politiques au Parlement...
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Au cours des trois années qui suivent, ce sont des centaines de lettres qui partent de Ferney : toutes révèlent la même obsession. Et à force de crier, Voltaire finit par grossir la cohorte des défenseurs de Calas. Pour le public, qui ne connaît de l'affaire que ce qu'en a dit le poète, il ne fait plus aucun doute que Calas est innocent.
Sentant que le fruit est mûr, Voltaire écrit au duc de Villars et au maréchal de Richelieu afin qu'ils interviennent auprès du chancelier de St-Florentin en vue d'une révision du procès.
M. de Saint-Florentin |
Et le 1er mars 1763, sa requête est enfin déclarée admissible.
Le 7 mars, le Conseil intime à l'unanimité au Parlement de Toulouse de renvoyer à Paris l'ensemble des pièces du procès.
En apprenant la bonne nouvelle le 12 mars, Voltaire écrit au pasteur Moultou : "C’est un bien beau jour, malgré la bise et la neige, que celui où nous apprenons l’arrêt du Conseil, et la manière dont le roi a daigné se déclarer contre les dévots fanatiques, qui voulaient qu’on abandonnât les Calas".
La victoire est désormais à portée de main. A Toulouse, évidemment, la colère est à son comble. On y prétend à juste titre que les arrêts de la Cour doivent être respectés (oui, il était déjà question d'indépendance de la justice !), et on recherche tous les moyens possibles pour retarder la transmission des pièces. La réponse du Parlement aurait d'ailleurs été la suivante : "la procédure est très volumineuse ; on (Comprenez : la veuve Calas) n'a qu'à envoyer du papier et de l'argent pour les copistes et on la donnera". Malgré ces tergiversations, le Parlement toulousain finit par s'exécuter (fin mai), et Voltaire peut écrire à son ami le pasteur Vernes : "Nous espérons que l'affaire sera jugée au grand conseil où nous aurons bonne justice, après quoi je mourrai content"
Le 4 juin 1764, le conseil du roi décide de casser les sentences du Parlement et des capitouls de Toulouse, en raison du défaut de récolement des accusés (c'est-à-dire la lecture des dépositions et confrontations). L'affaire sera rejugée par les Maîtres de requêtes de l'Hôtel, un tribunal composé de juges siégeant au conseil.
Cette fois, Voltaire touche au but...
(à suivre ici)
Cette fois, Voltaire touche au but...
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