jeudi 29 octobre 2015

La bête du Gévaudan (4)


Au cours de cette période particulièrement meurtrière (d'avril à septembre 1765), deux chasseurs émérites vont venir seconder (puis remplacer) le capitaine Duhamel. 
D'abord le grand louvetier d'Enneval (de février à juillet), puis François Antoine, le lieutenant des chasses du roi (à partir de juin).
d'Enneval
Au mois d'avril, la Gazette de France évoque avec beaucoup d'optimisme l'arrivée dans le Gévaudan du premier d'entre eux :
Le sieur d’Enneval, gentilhomme de Normandie, très exercé à la chasse du loup, est parti il y a quelque temps, avec des chiens dressés à cette chasse, pour se rendre dans le Gévaudan. On a eu avis qu’il avait vu la bête féroce et l’avait suivie plusieurs fois; ses chiens ont donné dessus avec beaucoup d’ardeur, mais il n’a pu encore l’approcher d’assez près pour l’attaquer. Cet animal marche sans cesse, n’a point de retraite connue et disparaît quelque fois pendant 8 ou 10 jours sans qu’on en entende parler; ces circonstances, jointes au mauvais temps et aux difficultés des chemins, en rendent la chasse difficile ; cependant, il y a tout lieu de croire que le sieur d’Enneval, secondé par tous les gentilshommes du voisinage, parviendra enfin à délivrer le pays de ce fléau redoutable. On n’a cessé de faire des chasses particulières : plusieurs étrangers se sont rendus dans le Gévaudan et ont joint leurs efforts à ceux des habitants de la province pour concourir à cette expédition
Hélas, en dépit des innombrables battues effectuées sur le nouveau territoire de la Bête (voir ci-dessous), d'Enneval ne parviendra jamais à l'abattre.
 Au cours de cette même période, plusieurs témoignages font pourtant état de blessures par balles infligées à l'animal, mais celui-ci continue de sévir, multipliant les décapitations, si bien qu'à l'été 1765, Versailles décide d'envoyer sur place le célèbre porte-arquebuse Antoine :
(lettre du ministre St Florentin à l'intendant Balainvilliers)
Sur le compte, M., que j'ai rendu au Roi des nouveaux dégâts causés par la Bête qui infeste votre département et le Gévaudan, Sa Majesté a pris le parti d'y envoyer le sieur Antoine, son porte-arquebuse, avec 6 autres bons tireurs et de bons chiens. J'espère que vous ne tarderez pas à les voir arriver. Je vous prie de leur procurer tous les secours et toutes les facilités qui dépendront de vous pour les mettre en état de venir bientôt à bout d'une entreprise aussi intéressante pour les peuples de ces 2 provinces. Accompagné de ses hommes, le chasseur ne va pas tarder à offrir aux autorités ce qu'on attend de lui, à savoir un très grand loup. Voici ce qu'il rapporte dans le procès verbal annonçant le succès de sa battue (fin septembre 1765).

(...) sur le champ je lui ai tiré un coup de derrière de ma canardière, chargée de 5 coups de poudre, de 35 postes à loup et d'une balle de calibre dont l'effort du coup m’a fait reculer 2 pas; mais ledit loup est tombé aussitôt ayant reçu la balle dans l'œil droit, et toutes lesdits postes dans le côté droit tout près de l'épaule, et comme je criais hallali, il s'est relevé et est revenu sur moi en tournant et sans me donner le temps de recharger ma dite arme, j'ai appelé à mon secours le sieur Rinchard, placé près de moi, qui l’a trouvé arrêté à 10 pas de moi et lui a tiré dans le derrière un coup de sa carabine, qui l'a fait refuir environ 25 pas dans la plaine où il est tombé raide mort. Nous François Antoine, es dits noms, et nous Jacques de Lafont, avec tous les gardes-chasse ci-dessus déclarés, ayant examiné ce loup avons reconnu qu’il avait 32 pouces de hauteur après sa mort, 5 pieds 7 pouces et demi de longueur, que la grosseur de son corps était de 3 pieds et que les crocs, les dents mâchelières, et les pieds de cet animal nous ont paru des plus extraordinaires; ledit loup pesait 130 livres. Nous déclarons par le présent procès-verbal, signé de notre main n'avoir jamais vu aucun loup qui pût se comparer à cet animal, c'est pourquoi nous avons jugé que ce pourrait bien être la Bête cruelle, ou un loup dévorant, qui a tant fait de ravage et pour en prendre une plus grande connaissance, nous avons fait ouvrir ledit loup par le sieur Boulanger, chirurgien expert de la ville de Saugues qui en a fait son rapport  (...)
le chasseur Antoine en action
 
la Bête présentée à Versailles
Les dimensions rapportées ci-dessus, et confirmées par le chirurgien, font état d'un animal anormalement grand, reconnu par plusieurs témoins qui ont croisé sa route au cours des semaines passées.
La Bête est alors embaumée puis envoyée à Paris. A l'automne 1765, sa tâche accomplie, François Antoine quitte le Gévaudan et retourne à Paris.

(à suivre) 


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