Ces dames au salon, féminisme et fêtes galantes au XVIIIè siècle, d'Anne-Marie Lugan...
Publié dans la collection "le midi de la psychanalyse" chez Odile Jacob, ce très court (180 pages) et fort onéreux (21,90 €) ouvrage pose la question suivante en 4è de couverture : "En France, aux XVII et XVIIIè siècles, les salons tenus par des femmes telles que Mme du Deffand, Mme du Châtelet ou Mme d'Epinay furent les lieux privilégiés de leurs revendications à exister. Mais que s'est-il donc passé dans le cours de ce XVIIIè siècle dont on a dit qu'il était le siècle des femmes ?"
L'emploi des mots "féminisme" et "revendications" associé aux noms des grandes salonnières (mais Emilie du Châtelet a-t-elle tenu un salon ?) des Lumières a immédiatement attiré mon attention. Tout comme cette courte introduction qui définit le féminisme comme l'"attitude de ceux qui souhaitent que les droits des femmes soient les mêmes que ceux des hommes".
Un brin sceptique, j'ai pourtant consacré les deux heures (de train...) qui ont suivi à tenter de démêler les intentions de l'auteure.
D'emblée (dans la partie consacrée au XVIIIè) Anne-Marie Lugan insiste sur le "fil rouge des relations des femmes au savoir, que nous avons posé comme critère de féminisme", et d'évoquer dans la foulée quelques cas particuliers :
- ainsi, concernant Mme du Deffand, on apprend que : "chez elle, il y a une vraie détestation de ce qui s'apparenterait à du féminisme, à de la revendication."
- Et plus loin, à propos de Louise d'Epinay, dont l'auteure rapporte le credo : "On ne peut que gagner du ridicule à s'afficher pour savante (...) Je ne crois pas qu'une femme puisse jamais acquérir des connaissances étendues et assez solides pour se rendre utile à ses semblables (...) Tout ce qui touche à la science de l'administration, de la politique, du commerce, doit donc rester étranger aux femmes ou leur être interdit"
- Enfin, quand vient le tour de Mme Geoffrin, la question de l'appropriation du savoir n'est même plus abordée !
Un tour d'horizon bien frustrant, admettons-le, d'autant qu'Anne-Marie Lugan passe sous silence deux cas qui auraient pu (et dû !) alimenter sa réflexion :
- celui de Louise Dupin, tout d'abord, qui écrivit un volumineux ouvrage sur la condition féminine mais qui renonça finalement à le publier.
- celui d'Anne-Marie du Boccage ensuite, qui osa s'aventurer sur des terres réservées aux hommes (le théâtre) et s'attira par là les moqueries du Tout-Paris.
Dans Le monde des salons (paru chez Fayard en 2005), l'historien Antoine Lilti répondait justement (et par anticipation) aux questions posées par Anne-Marie Lugan. Ainsi, à propos de l'accès des femmes au savoir, il expliquait : "La sanction qu'encourent les femmes du monde qui se veulent aussi femmes de lettres est le ridicule, principal danger menaçant le prestige d'un salon et d'une femme du monde... dans l'espace mondain, le souci féminin d'accéder au savoir doit avant tout se garder de toute publicité... les maîtresses de maison les plus réputées du XVIIIè siècle se plièrent à cette obligation... elles furent toujours soucieuses de se présenter en parfaites maîtresses de maison, éloignées de tout pédantisme et de toute ambition littéraire, traçant des lignes claires entre sociabilité et publication."
De toute évidence, Anne-Marie Lugan aurait gagné à lire cet ouvrage...
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