vendredi 12 juin 2015

L'Encyclopédie (10)


Si les Libraires associés ont perdu une nouvelle bataille, ils n'ont pas encore perdu la guerre. A défaut de publier des textes, ils obtiennent de Malesherbes (8 septembre) l'autorisation de publier un recueil de mille planches réparties en 4 volumes. Les anciens souscripteurs ne paieront que 28 livres par volume (le remboursement exigé étant donc pris en compte). Les nouveaux souscripteurs paieront quant à eux 72 livres pour souscrire, puis 72 livres pour chacun des 4 volumes à venir.
L'autorisation de publier les planches annonce, de manière imminente, celle de publier des textes. D'ailleurs, dans son journal, au mois de février, Barbier annonçait que le VIIIè tome était déjà sous presse : "on met actuellement sous presse le huitième volume de l'Encyclopédie qu'on commence à imprimer."
volume de planches
 
planche d'anatomie (1er volume)
La stratégie adoptée par Diderot est la suivante : pendant que sortiront les volumes de planches (le 1er paraîtra en janvier 1762), on commencera l'impression des volumes de textes.
Evidemment, les dévots enragent. Au moment de la révocation du privilège, Barbier décrivait dans son Journal le "contentement, non seulement des Jansénistes mais aussi des Jésuites, qui ont toujours été jaloux de n'avoir pas été choisis et employés dans quelque partie de cet ouvrage." Ce que confirme Grimm dans sa Correspondance Littéraire de février 1759 : "les ennemis de l'Encyclopédie, quelque nombreux et quelque puissants qu'il soient, ont échoué dans leur grand projet qui était de retirer de retirer cette entreprise des mains de M. Diderot, et en profitant de ses immenses travaux, de la faire continuer par les Jésuites.
A lire les pamphlets venimeux des uns et des autres, on ne peut que confirmer la perspicacité de ces analyses...
Plus féroce encore, le journaliste Fréron fait dans le même temps écho à la plainte d'un ancien collaborateur de l'Encyclopédie (un dénommé Patte) qui prétend que Diderot a plagié de nombreuses gravures du savant Réaumur. Lassé de ces attaques répétées, Diderot continue pourtant de travailler nuit et jour. Il s'en émeut émeut d'ailleurs auprès de Sophie Volland : "J'ai encore eu de la tracasserie d'auteur, jusques par-dessus les oreilles... Le Breton m'a enlevé pour aller travailler chez lui depuis onze heures du matin jusqu'à onze heures du soir. C'est toujours la maudite histoire de nos planches. Ces commissaires de l'Académie sont revenus sur leur premier jugement..." Par chance, après examen, l'Académie lavera définitivement Diderot de tout soupçon. Au grand dam de Fréron, comme on l'imagine...
 
Fréron, l'ennemi juré de Voltaire... et des encyclopédistes
Au moment d'achever cet article, une question me brûle les lèvres.
A ausculter les événements jour après jour, on peut se demander comment Diderot a pu assumer, sur une si longue période, une charge de travail aussi considérable ? D'Alembert ayant quitté l'aventure, Voltaire et Rousseau loin de Paris, comment a-t-il résisté, seul, à toutes ces épreuves ?
Ces interrogations resteront sans réponse.
Mais s'il m'est arrivé d'être sévère avec Diderot, force est de reconnaître que son acharnement et son courage suscitent l'admiration... 

(à suivre ici)

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